La première comédie musicale écrite par un ordinateur
Beyond the fence est le premier spectacle musical créé par des programmes informatiques. Script, personnages, musique : tout découle du choix des ordinateurs d’après une base de données de comédies musicales à succès. À Londres, jusqu’au 5 mars, la technologie entre en scène !
Chloé Huguenin - Publié le
Les machines sont incapables d’éprouver des sentiments. Mais pourraient-elles devenir de véritables artistes ? Si un ordinateur n’a pas d’émotion, Beyond the Fence (au-delà de la barrière), à l’affiche de l’Art Theatre de Londres jusqu’au 5 mars, est pourtant la première comédie musicale née de circuits informatiques.
Computer love
L’écriture du scénario a commencé il y a trois ans au groupe de recherche d’apprentissage automatique de l’Université de Cambridge. L’équipe travaillant sur des modélisations pour des applications statistiques s’est attelée à une étude big-data de 1 700 spectacles. Le nombre de personnages, les décors, la durée des chansons et de nombreux autres critères ont été analysés afin de retenir des choix qui définissent un show à succès. Avec ces indications, le programme What-if Machine de l’Université de Londres a proposé des scénarios selon les situations voulues (par exemple catégorie road trip, avec un personnage pauvre, avec l’ambition de trouver le bonheur). L’ordinateur a généré le portrait des personnages et le synopsis général : un soldat américain doit comprendre un enfant afin de trouver le véritable amour.
Pendant ce temps à l’Université Complutense de Madrid, un autre logiciel appelé PropperWryte a affiné la trame en identifiant les situations marquantes à adopter à partir d’une base de données de 44 spectacles : assassinat, scène d’amour, rébellion…
Enfin les chercheurs de l’Université de Durham et leur programme Android Lloyd Webber (nom parodique d’Andrew Lloyd Webber, célèbre compositeur de comédies musicales) se sont chargés de la partition, épaulés par Flow Composer, un générateur informatique de mélodies mis au point par des scientifiques français.
Rage against the machine
Les critiques anglaises valorisent le procédé de création inhabituel, qui s’inscrit dans un projet visant à utiliser les intelligences artificielles pour créer de nouvelles expériences théâtrales. Mais les journaux déplorent dans la majorité un résultat assez peu original : pour The Guardian, mièvrerie et chutes téléphonées n’excluent pas Beyond the Fence du cliché de la comédie musicale à l’eau de rose. Le générateur informatique de succès se révélerait finalement dénué de virtuosité jusqu’à, sûrement, la prochaine avancée scientifique.
La technologie pourrait-elle alors prendre la place de l’homme, même dans un champ aussi abstrait et humain par définition que l’art ? L’équipe est intervenue constamment, et Beyond the Fence n’aurait pas vu le jour sans machines, d’une part, et sans artistes d’autre part.
Pas d’inquiétude, donc, selon Nathan Taylor, réalisateur de la pièce, qui affirme sur les ondes de la BBC : « Nous aurons toujours besoin des humains comme interprètes émotionnels ».