Quelles couleurs pouvait bien arborer le Sinosauropteryx, un petit dinosaure à plumes du Crétacé ? Cette question est le point de départ d’une étude parue le 26 octobre dans la revue Current Biology, réalisée par des paléontologues de l’université de Bristol, en Angleterre. Leur but : découvrir non seulement à quoi pouvait ressembler ce petit théropode carnivore, mais aussi son cadre de vie.
Ces chercheurs ont donc étudié de manière approfondie trois fossiles découverts en Chine dans la province du Liaoning. Ces spécimens, particulièrement bien conservés, ont été découverts dans les années 1990 dans une formation géologique appelée « biota de Jehol », datée de 133 à 120 millions d’années et connue pour sa richesse en fossiles.

Camouflage en trois dimensions

Longtemps, les paléontologues se sont uniquement appuyés sur l’étude des traces des squelettes pour reconstituer l'aspect des dinosaures. Il y a une dizaine d’années, la découverte de pigments conservés dans des fossiles a permis aux scientifiques d’élaborer toute une gamme de couleurs que pouvaient revêtir certaines espèces. Loin des lourdes bêtes grises qu'on imaginait jusque-là, les dinosaures se sont révélés avoir des couleurs vives et variées. La sophistication de leurs robes indique qu’ils possédaient probablement, comme les oiseaux, une excellente vue.
En comparant des restes de pigments originaux incrustés dans les plumes des trois spécimens du Sinosauropteryx, les scientifiques ont découvert qu'il s'agissait d'un petit théropode à la queue rayée et au dos sombre, de couleur claire sous le ventre. Un bandeau autour des yeux complète le tableau. 

Jeux d’ombre

L’étape suivante a consisté, pour les scientifiques, à reconstituer les motifs et couleurs les mieux adaptés pour se cacher des prédateurs et pour chasser. Ils ont créé pour cela des modèles en trois dimensions du Sinosauropteryx et les ont photographiés sous différents angles. En effet, les conditions d’éclairage varient avec les types d’habitat et sont révélateurs du mode de vie. Les animaux vivant dans les zones ouvertes, comme la savane, marquée par une luminosité intense et verticale, se caractérisent souvent par une coloration plus claire sur le haut du corps, tandis que les animaux vivant dans les zones fermées, comme les forêts, exhibent des transitions de couleurs plus graduelles, situées sur le bas du corps. 
 
Les scientifiques déduisent que le Sinosauropteryx devait passer plus de temps sous une lumière directe qu’à l’ombre. Sa robe, en effet, correspond à une forme de camouflage appelée contre-illumination (ou loi de Thayer), encore utilisée par de nombreux mammifères, reptiles, oiseaux et même poissons. Dans la journée, la lumière du Soleil éclaire la surface supérieure du corps, laissant le reste dans l'ombre. La contre-illumination contrebalance les effets de l’ombrage et aplanit les formes du corps lorsqu’elles sont vues de côté : un avantage vis-à-vis des prédateurs comme des proies potentielles.
Les paléontologues ont donc ainsi pu déterminer l’habitat dans lequel évoluait le Sinosauropteryx il y a 130 millions d’années, en zone ouverte et pauvre en végétation.