L’Accord de Paris, un tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
Pour la première fois, le 12 décembre, un accord universel pour le climat a été scellé entre 195 pays plus l’Union européenne. Décryptage.
Véronique Marsollier - Publié le
Au terme d’intenses tractations entre 195 pays (plus l’Union européenne), la COP21 a donné naissance à l’Accord de Paris, le 12 décembre. Une naissance au forceps qui sonne comme une victoire après l’échec de Copenhague (COP15) en 2009. Son objectif : amener tous les pays participants, et en particulier les plus émetteurs, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour contenir le réchauffement climatique. La gageure : trouver un accord satisfaisant des pays aux intérêts parfois totalement divergents, et imposant des lois climatiques à tous dès 2020. Au bout du compte, un accord-cadre « juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant », selon les mots de Laurent Fabius, président de la COP21, lors de la présentation du texte. Mais qu’en est-il exactement ?
« Bien en deçà des 2 °C », voire atteindre les 1,5 °C
Le texte confirme l’objectif initial des 2 °C (par rapport à l’ère pré-industrielle) d’ici à 2100, et va même plus loin. Les États s’engagent à « contenir l’augmentation de la température moyenne bien en deçà de 2 °C et de s’efforcer de limiter cette augmentation à 1,5 °C, ce qui permettrait de réduire significativement les risques et les impacts liés au changement climatique ». Cette volonté répond surtout aux inquiétudes des pays les plus vulnérables, comme les petits États insulaires ou le Bangladesh, menacés par la montée du niveau des océans.
Comme l’indique le dernier rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’objectif des 2 °C est encore trop élevé pour pouvoir échapper aux catastrophes climatiques. Ces pays se sont donc battus pour que la valeur de 1,5 °C soit mentionnée dans l’accord, bien qu’elle semble irréaliste pour beaucoup en l’état actuel des émissions de gaz à effet de serre. En effet, 186 pays représentant 95 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ont remis leurs contributions. Celles-ci installent la planète sur une trajectoire d’élévation de la température globale de 3 °C.
Le bilan de la COP21 par Valérie Masson-Delmotte, climatologue et coprésidente du GIEC
Des engagements revus tous les 5 ans à partir de 2020
Néanmoins, un des points essentiels de l’Accord de Paris passe par la révision à la hausse des engagements des États tous les cinq ans. Ce mécanisme entrera en vigueur en 2025. Une échéance beaucoup trop tardive pour les acteurs de la société civile, mais aussi pour certains pays qui envisagent d’accélérer le mouvement. Une Coalition pour une haute ambition créée pendant la COP21 et réunissant de façon inattendue, l’Union européenne, les États-Unis, le Brésil et 80 pays en développement, projette une première révision avant 2020. Même objectif pour l’Appel de Paris qui rassemble à ce jour plus de 800 acteurs non étatiques.
« Zéro émission nette »
Pour atteindre les 1,5 °C, une seule solution : réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Le texte prévoit donc « zéro émission nette ». C’est-à-dire baisser ces émissions avec pour objectif qu’elles puissent être compensées, à partir de 2050, par les puits de carbone (forêts, océans) et les techniques de capture et stockage carbone. Certains estiment que cet objectif n’est pas assez contraignant, en particulier pour l’industrie des énergies fossiles. Dans son dernier rapport, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) chiffrait une baisse de 40 % à 70 % d'ici à 2050 des émissions de GES pour empêcher un emballement climatique.
Au moins, « 100 milliards de dollars » pour les plus vulnérables
La responsabilité historique attribuée par les pays du Sud aux pays développés dans la hausse des émissions des gaz à effet de serre, ainsi que la différenciation des efforts demandés, a cristallisé les tensions pendant les négociations. Cette notion de différenciation est inscrite dans le texte. Les contributions seront adaptées pour chaque pays « compte tenu de ses responsabilités communes, mais différenciées, et de ses capacités respectives, eu égard aux contextes nationaux différents ».
La notion d’équité est elle aussi mise en avant. Le texte établit que les efforts doivent s’appuyer sur la « base de l’équité et dans le contexte de développement durable et de lutte contre la pauvreté ». Dans cette optique, les pays du Nord, assumant en partie leur dette climatique, font la promesse aux pays du Sud « d’amplifier leur aide financière » et de verser au Fonds pour l’environnement mondial au moins 100 milliards de dollars annuels (en prêts et dons) à partir de 2020, leur permettant ainsi de faire face aux impacts du dérèglement climatique. Cette contribution « plancher » est assortie d’un « nouvel objectif chiffré collectif en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement » au plus tard en 2025. Toujours insuffisant, argueront les experts critiques, car les besoins pour financer les politiques climatiques des pays vulnérables sont en constante augmentation, mais avancée significative tout de même pour les partisans de l’accord. Au-delà de cet objectif chiffré, les acteurs de la société civile (ONG, syndicats…) insistent sur la nécessité d’une sortie des énergies fossiles pour basculer vers un monde décarboné en 2050.
Dernière ligne droite à franchir : l’accord est ouvert à la signature pendant un an à partir du 22 avril 2016 au siège de l’Onu, à New York. Et pour entrer en vigueur, il doit être « soumis à la ratification, l’acceptation, l’approbation ou adhésion par 55 parties à la Convention qui représentent au total au moins un pourcentage estimé à 55 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre ». En France, c’est une loi votée par le Parlement associée à une approbation de l’Union européenne qui l’entérinera.
Mais, conforme à l’esprit de fond de l’accord basé sur la bonne volonté des participants, après avoir signé, les États gardent une possibilité de retrait. Ils peuvent à l’issue d’un « délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’Accord, (...) à tout moment le dénoncer » par simple notification écrite.
Quoiqu’il en soit cet accord, jugé historique, offre pour la première fois un cadre universel pour agir contre le réchauffement climatique. Les prochaines COP dont celle de Marrakech en 2016 auront la lourde tâche de prendre le relais pour qu’il puisse être appliqué à partir de 2020.