L'Altiplano bolivien © Clara Delpas

En plein altiplano bolivien, bordés par la cordillère des Andes, le salar de Uyuni, et son prolongement, le salar de Coipasa ressemblent à de vastes étendues neigeuses. Visible depuis les satellites, leur blancheur envoûtante n’est pourtant pas liée à la présence de neige, bien que l’on soit ici à plus de 3 500 m d’altitude : comme leur nom le suggère, ces déserts blancs sont des déserts de « sels »… Et, plus qu’une curiosité géologique ou une attraction touristique, ils sont une richesse potentielle pour la Bolivie. En effet, ces salars sont riches en divers minéraux tels que le chlorure de sodium (sel de table) ou le borax qui y sont exploités depuis longtemps, simplement par ramassage de surface. Mais ce n’est pas tout : ils contiennent également du lithium.

Reportage photo

Enjeux du lithium

Ce métal mou, présent ici sous forme de sels, offre une capacité d’accumulation des charges électriques telle qu’il entre aujourd’hui dans la composition des batteries de la plupart des appareils modernes : ordinateurs, téléphones portables, lecteurs de MP3, appareils photographiques numériques… En outre, il suffit de 2,7 kg de lithium pour fabriquer une batterie de 24 kWH permettant de faire rouler une voiture pendant cinq ans, à raison de 160 km entre deux recharges … En ces temps de pénurie de pétrole, le lithium andin a de quoi séduire. Car il « suffit » de forer quelques mètres sous le salar et de faire sécher les saumures pour obtenir des sels riches en carbonate de lithium.

Ressources boliviennes

Faute d’une évaluation précise des ressources géologiques et minières de la planète – et de la Bolivie en particulier –, il est difficile d’estimer les réserves en lithium. Selon le Service géologique américain, l’United States Geological Service (USGS), la Bolivie en compterait 9 millions de tonnes et cela représenterait plus de 70 % des réserves mondiales. De leur côté, les experts du gouvernement bolivien  les évaluent à plus de 100 millions de tonnes, selon les derniers forages réalisés à 300 mètres de profondeur fin 2009.

Selon Jacques Varet, conseiller du président du Bureau de recherche géologique et minier (BRGM) et ancien directeur de la prospective et d’évaluation, il est pour l’instant impossible d’évaluer précisément les réserves de la planète. Il faudrait pour ce faire mettre en place « un GIER, Groupe indépendant d’experts sur les ressources, sur le même modèle que le GIEC pour le climat ».

Où se trouve le lithium ?

Le lithium n’est pas une ressource fossile, ni un métal rare : sa présence est liée à l’activité volcanique. En dehors de la Bolivie, il existe d’autres salars dans la cordillère des Andes (notamment au Chili et en Argentine), le long de la faille de San Andreas (en Californie), dans la zone de collision de l’Asie centrale (au Tibet et en Afghanistan) et dans certaines zones désertiques (en Afrique de l’Est et en Australie). On peut trouver des gisements de lithium ailleurs que dans les salars mais ils sont plus difficiles d’accès : par exemple, dans les gisements de mica présents un peu partout sur la planète, y compris en France (voir audio « Y a-t-il des réserves de lithium en France ? ») ou bien encore dans l’eau de mer dont la teneur en lithium, estimée à 0,17 g/m3, en fait une réserve de 240 000 milliards de tonnes.

Une exploitation en solo ?

Si la ressource est visible à l’œil nu, son exploitation nécessite des dispositifs industriels avec une bonne capacité de production. Le 27 octobre 2010, l’État bolivien a annoncé qu’il investirait 902 millions de dollars pour exploiter seul son lithium et ce, en trois phases à partir de 2011 : production de carbonate de lithium, de lithium métallique puis de batteries au lithium à partir de 2014. Le gouvernement s’est doté d’une constitution, adoptée par référendum début 2009, qui lui donne la pleine propriété de ses ressources minérales. Fin des ambitions d’investissement des firmes étrangères ? Pas si sûr…
Un colloque international s’est tenu à La Paz, le 10 décembre dernier, durant lequel les industriels du monde entier ont été invités par le gouvernement bolivien à engager rapidement des partenariats technologiques. Ils ont pu visiter l’usine pilote, initiée en 2007, pour un coût de près de 7 millions de dollars, qui vient tout juste d’entrer en service, révélant à quel point la production de batteries électriques boliviennes est encore une perspective lointaine…