Comparaison d’un crâne d’homme moderne et d’un homme de Néandertal Comparaison d’un crâne d’homme moderne et d’un homme de Néandertal provenant du Muséum d’histoire naturelle de Cleveland. Image adaptée d'une photo originale. © hairymuseummatt (photo originale), Dr Mike Baxter (photo dérivée)

L’étrange morphologie d’un fragment de mâchoire néandertalienne a interpellé une équipe franco-italienne. En l’examinant, les anthropologues ont découvert l’ébauche d’un menton, une protubérance qui d’ordinaire fait défaut aux Néandertaliens mais qui est bien marquée chez l’homme moderne. Selon eux, ce menton constitue la preuve supplémentaire d’un métissage entre l’homme de Néandertal et l’homme moderne. L’étude, notamment signée par Silvana Condemi de l’université d’Aix-Marseille, a été publiée dans Plos One, le 27 mars.

En fait de découverte, il s’agirait plutôt d’une re-découverte. Celle des restes oubliés d’un Néandertalien reposant au Muséum d’histoire naturelle de Vérone, après avoir été mis au jour en 1957, à Riparo Mezzena, un abri sous roche en Italie. Ce n’est qu’en 2005 que les anthropologues ont remis la main sur la curieuse mandibule.

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La mandibule néandertalienne de Mezzena La mandibule néandertalienne de Mezzena vue de face (A), de l'intérieur (B), de côté (C), de dessus (D) et de dessous (E). La protubérance mentonnière si caractéristique des mentons de Homo sapiens est visible en C. © Condemi et al.

Intrigués par sa morphologie particulière, les chercheurs ont cherché à vérifier qu’elle appartenait bien à un Néandertalien. Plusieurs éléments les ont conduit à déterminer que c’était bien le cas. Hormis la présence d’un menton prononcé, la mandibule présente toutes les caractéristiques morphologiques d’un homme de Néandertal. Par ailleurs, les restes de l’individu ont été trouvés dans une couche remplie d’outils moustériens, une industrie toujours associée aux Néandertaliens.

Fait exceptionnel, les chercheurs ont également pu extraire du collagène de la mâchoire vieille de 35.000 ans et procéder à une analyse génétique de l’ADN mitochondrial. Ce matériel génétique, transmis exclusivement par la mère, montre que l’individu appartient bien à la lignée néandertalienne.

En revanche, son ascendance paternelle interroge les chercheurs : la présence déconcertante du menton suggère une parenté avec Homo sapiens. Pour les auteurs de l’étude, c’est d’autant plus concevable que les vestiges de l’individu ont été découverts à seulement 20 km de la grotte de Fumane où, à la même époque, des hommes modernes vivaient.

Par ailleurs, d’autres mâchoires appartenant à des Néandertaliens découverts un peu partout en Europe (l’homme de Spy en Belgique, de la Ferrassie en Dordogne, de Las Palomas en Espagne et de Vindija en Croatie) présentent également l’ébauche d’un menton plus ou moins marquée.

Le menton de l’individu de Mezzena ne serait donc pas une simple malformation anecdotique. Au contraire, il pourrait bien être la trace fossilisée d’une affinité plus que cordiale entre Néandertaliens et hommes modernes. De quoi apporter de l’eau au moulin des tenants d’une hybridation entre ces deux bipèdes. En 2010, déjà, une équipe du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology avait montré que l'homme moderne possède 1 à 4 % d'ADN néandertalien...