Reportage et photos : Véronique Marsollier. Photo pollens au microscope : LHVP
Comme tous les lundis en début d’après-midi depuis le mois de février, Vincent Doucet s’engage sur l’échelle de secours et grimpe sur les toits du laboratoire d’hygiène de la ville de Paris avec vue sur le parc de Choisy, dans le sud de la ville. Il se dirige vers le bord du toit où l’on distingue un boîtier métallique blanc perché sur un trépied. Une girouette soudée au boîtier prend doucement le vent. C’est un des capteurs de pollens de la ville de Paris qui alimentent les données du Réseau national de surveillance aérobiologie (RNSA).

Dix litres d’air par minute

Le technicien jette un coup d’œil à sa montre. Il est 14 heures, l’heure de récupérer et de changer le tambour contenant une bande cellophane adhésive. Là où se collent les spores et pollens aspirés par la buse du capteur. Pour y accéder, il démonte habilement les éléments encastrés les uns dans les autres comme une poupée russe. Précautionneusement, l’échange se fait. La buse du capteur, orientée selon le vent, aspire un débit d’air régulier équivalent à une respiration humaine, c’est-à-dire dix litres d’air par minute. Les pollens diffusés dans l’air se fixent alors sur le support. Une horloge mécanique intégrée permet le déroulement de la bande par tranches journalières pendant sept jours.

Ce capteur volumétrique de type HIRST est utilisé pour capturer et analyser les différents types de pollens en saison, de février à fin septembre, à Paris et dans la région parisienne. Celui qui alimente les données du RNSA se situe sur les toits de l’Institut Pasteur, dans le 15e arrondissement. Les relevés se font deux fois par semaine durant toute la saison. En Île-de-France, d’autres capteurs situés à Gonesse (analysés aussi par le LHVP), Melun, Antony et Saint-Quentin-en-Yvelines complètent les récoltes parisiennes. « Les capteurs sont situés en hauteur pour ne pas être soumis à l’influence de la végétation de proximité, précise Sophie Barral, ingénieure hygiéniste au LHVP. Un capteur tel que ceux que nous utilisons peut couvrir un rayon de 30 kilomètres ».

Direction le labo !

Quelques formulaires d’enregistrement plus tard, le tambour prend la direction du laboratoire. Christina Vernant et Lydia Le Garsmeur prennent le relais. Ces deux analystes du LHVP sont chargées de « faire parler » la bande. Dans un premier temps, elle est délicatement décollée du tambour, puis découpée par tranches de 24 heures sur une réglette. Les morceaux sont alors colorés avec un réactif rouge puis enchâssés entre lames et lamelles. 

Chaque lame est ensuite décryptée au microscope (couplé à un logiciel de reconnaissance vocale) par Lydia Le Garsmeur. Son œil exercé est capable d'identifier plus d’une soixantaine de pollens différents grâce à leurs caractéristiques morphologiques. Elle énumère ensuite à voix haute ceux qu’elle repère sur la lame. Un logiciel associé au microscope permet d'estimer le nombre de grains de pollen contenus en moyenne par mètre cube d’air, en multipliant le nombre de grains de pollen comptabilisés par un facteur de conversion. Celui-ci tient compte du volume d’air aspiré et de la surface analysée. 

Aujourd’hui, c’est le pollen de pin qui prédomine, mais ce sont surtout ceux de graminées et de chêne, plus allergisants, qui font monter le risque pollinique.

L’élaboration des indices : une véritable recette

« Ces données brutes sont ensuite envoyées au RNSA qui couple ces données métrologiques à des données cliniques, explique Sophie Barral. Des médecins sentinelles appartenant au réseau envoient aussi des informations sur le nombre de patients allergiques, le nombre de consultations, l’intensité des symptômes, ce qui permet d’élaborer un indice clinique ». Ce n’est pas tout : cet indice clinique (IC), associé à l’indice pollinique (IP) correspondant à la concentration de pollens dans l’air, ainsi qu'à l’observation de l’avancement de la floraison des végétaux et à la prise en compte de données météorologiques, permettent de délivrer un autre indice, qui évalue donc le risque allergique lié à l’exposition aux pollens (RAEP) et se mesure sur une échelle de 0 à 5, « 5 » étant le risque allergique maximum. C’est cet indice qui est communiqué au public. En ce moment, il est de 4, un risque élevé associé à un temps ensoleillé.

Chaque semaine, ce chiffre est disponible sur le site du RNSA (le bulletin allergo-pollinique) et à Paris. Il s’affiche sur les panneaux lumineux de la ville ainsi que sur le site d’Airparif. Pour les plus sensibles, une application personnalisable « Alertes pollens » est aussi mise à disposition. Des cartes de vigilance indiquant les types de pollens les plus fréquents sont aussi proposées sur le site de la RNSA. Début mai, les pollens les plus abondants à Paris sont ceux de chêne et de pin, puis les graminées prendront la suite, comme l’indique le bulletin phénologique (l’évolution de la floraison des principales espèces végétales allergisantes).
Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), 7 à 20 % des enfants et 30 % des adultes présenteraient en France une allergie aux pollens. Ces chiffres ne cessent d’augmenter, rendant la mission du RNSA de plus en plus nécessaire.