De quelle couleur étaient les dinosaures ? L’existence de dinosaures à plumes est connue depuis le milieu des années 1990, une donnée peut-être perturbante pour les fans de Jurassik Park peu enchantés par l’idée de T-rex aux plumes bariolées de perroquet. Mais la conservation des structures qui donnaient leurs couleurs aux plumes reste largement discutée chez les paléontologues : certains ne veulent y voir que des restes de bactéries ne donnant aucun indice sur l’apparat des dinosaures. Une équipe menée par l’université de Lund, en Suède, clôt le débat en montrant la présence simultanée de bactéries et de pigments de type mélanine animale.

La Chine recèle de nombreux fossiles de dinosaures du groupe Paraves, qui réunit les oiseaux et leurs proches parents. C’est là, dans la province de Liaoning, que les scientifiques ont mis au jour le squelette exceptionnellement complet d’un Anchiornis huxleyi, un dinosaure disparu il y a 150 millions d’années, membre de cette famille.
Ce fossile présente des traces de plumes, visibles en trois dimensions ou en impression sur la roche à l’arrière du crâne, sur le dos, les pattes ou encore la queue. Les scientifiques ont également repéré des structures cellulaires en forme de tubes, organites qui produisent la mélanine, pigment protecteur de la peau contre les rayons UV chez l’animal et l’Homme. La taille de ces organites, appelés mélanosomes, peut livrer des indices sur la couleur des plumes.

Or ces mélanosomes ressemblent à s’y méprendre à des restes de bactéries ayant colonisé la peau des animaux. Ni la taille des structures observées (de 80 nanomètres à 10 micromètres) ni leur distribution ne correspondent exactement à celles de bactéries, mais elles ont pu être modifiées par le processus de fossilisation. La possibilité d’étudier la couleur des dinosaures à plumes divisait donc jusqu'alors la communauté des paléontologues.
Pour mettre un terme aux contestations, l’étude publiée dans Scientific Reports le 27 août 2015 a analysé très précisément 14 échantillons de restes de plumes du fossile de Liaoning. Avec deux tests indépendants utilisant un spectromètre de masse et un spectroscope à infrarouge, les chercheurs ont détecté une signature chimique identique à celle de la mélanine animale moderne. En outre, la comparaison avec plusieurs sortes de bactéries, notamment Vibrio cholerae et Saccharophagus degradans, montre que cette mélanine n’a pas d'origine bactérienne. Enfin, aucune trace de molécule propre aux bactéries n’a été repérée : cette hypothèse est donc écartée pour ces échantillons.

Les mélanosomes peuvent donc survivre à l’épreuve du temps. Selon les auteurs de cette analyse, ce constat n’est guère étonnant : ils sont après tout un amas de mélanine, une substance très résistante aux attaques microbiennes et stable chimiquement. Cependant, l’équipe met en garde contre les généralisations. Ce n’est pas parce que les structures étudiées sur ce spécimen sont bel et bien des mélanosomes que toutes les autres structures de ce type découvertes sur d'autres fossiles le sont également. Des bactéries ont également pu se glisser dans les fossiles. Pour en savoir davantage, et notamment déterminer la couleur d'une plume, il faudra effectuer des analyses de pigments, sans se contenter d'analyser la seule forme des éléments ressemblant aux mélanosomes.

En l'occurrence, la mélanine repérée est de l’eumélanine, un pigment sombre. Anchiornis huxleyi avait donc bien des plumes, mais elles étaient noires. L’honneur des dinosaures est sauf.