Les tardigrades sont des animaux microscopiques, aussi appelés oursons d’eau, qui vivent dans la mer, en eau douce ou dans les mousses. Ils présentent une résistance exceptionnelle à la sécheresse. Par quel mécanisme biologique ? C'est ce qu'ont cherché à comprendre des chercheurs de l’université de Caroline du Nord. Ils ont publié leurs résultats dans Molecular Cell du 16 mars 2017. 
C’est souvent la présence d’un sucre appelé tréhalose qui permet à un organisme vivant de survivre au desséchement. C’est par exemple le cas pour les artémies, petits crustacés qui vivent dans les lacs salés. Mais on ne trouve que peu ou pas de tréhalose chez les tardigrades. Un autre mécanisme leur confère donc cette capacité. 

Protéines désordonnées mais efficaces 
Lors de sa dessiccation, c’est-à-dire de son assèchement, le tardigrade rétracte ses pattes pour former une petite boule compacte et rétrécie. Il résiste ainsi à l’absence d’eau et recouvre sa forme initiale une fois l’humidité revenue. Durant ce processus, les chercheurs ont identifié les gènes activés et ont découvert le rôle essentiel des protéines dites « intrinsèquement désordonnées », IDP (Intrinsically Disordered Protein) dans l’abréviation en anglais.
Ce type de protéine, qui doit son nom à sa structure mouvante, est banale dans le règne animal, y compris chez l’Homme. Chez les tardigrades, les IDP sont à l'origine, lorsque l'eau se raréfie, de la constitution d'une carapace protectrice des cellules, une bulle de verre très efficace. Les chercheurs font l'hypothèse que «  la vitrification protège les macromolécules sensibles au dessèchement en les emprisonnant dans les pores d'une matrice amorphe qui prévient leur dénaturation, leur agrégation, leur fusion et leur fragmentation » . Dans un deuxième temps, les chercheurs ont désactivé ces gènes, entraînant la mort des tardigrades après dessèchement. 

Un tel mécanisme pourrait-il bénéficier à d'autres organismes ? Sans doute : les chercheurs ont en effet implanté les gènes des IDP propres aux tardigrades chez des bactéries et des levures et constaté qu'elles faisaient alors preuve d'une résistance accrue à la sécheresse. À l’avenir, concluent-ils, ce travail « montre que les protéines, et en particulier les IDP, pourraient protéger le matériel biologique grâce au processus de vitrification ». Plus précisément, espèrent-ils, ce mécanisme pourrait être appliqué à la conception de cultures plus robustes ou la stabilisation de produits pharmaceutiques sensibles, comme les vaccins.