Les fillettes se sous-estiment dès l’âge de 6 ans
Si les stéréotypes de genre ont la vie dure, c’est aussi parce qu’ils s’acquièrent très tôt. Des psychologues américains ont pu montrer que dès l’âge de 6 ans, les filles se considèrent moins intelligentes que les garçons.
Véronique Marsollier - Publié le
C'est un constat déjà dressé par de nombreux sociologues : les femmes tendent à sous-estimer (bien évidemment à tort) leurs capacités à investir certaines disciplines comme les mathématiques, la physique ou la philosophie, qui sont censées requérir une intelligence brillante. Mais à quel âge apparaissent ces préjugés ? Dans la revue Science, des chercheurs de l’université de New York, de l’Illinois et de Princeton montrent que les stéréotypes de genre se nichent très tôt dans l’esprit des filles : dès l'âge de 6 ans ! Avec des conséquences importantes, puisqu'ils conditionneront en partie leur orientation professionnelle future.
Basculement à 6 ans
À l’origine de ces nouveaux résultats, trois chercheurs – Lin Bian, étudiante en doctorat de psychologie à l’université de l’Illinois, Sarah-Jane Leslie, professeure de philosophie à l’université de Princeton, ainsi que Andrei Cimpian, professeur de psychologie à l’université de New York – ont souhaité savoir si les jeunes enfants adhéraient aux stéréotypes de genre liés à l’intelligence.
Pour cela, ils ont mis en place une série de tests avec 400 enfants répartis en groupes de garçons et filles, âgés de 5 à 7 ans. L’un des tests consistait par exemple à demander aux enfants, suite à une histoire qu’on leur avait racontée, qui, parmi quatre adultes, deux hommes et deux femmes, était « vraiment, vraiment intelligent ». Les enfants ont également été invités à découvrir quels adultes parmi plusieurs couples hommes-femmes possédaient aussi cette qualité.
Les résultats révèlent que les enfants âgés de 5 ans considèrent leur propre sexe positivement, mais qu’à partir de 6-7 ans, les filles n'associent pas leur genre à une intelligence élevée. Ce constat est identique quelles que soient les origines des enfants, socio-économiques ou ethniques.
« Bosseurs et intelligents »
Par voie de conséquence, les fillettes évitent a priori les activités qui sont supposées demander beaucoup d’intelligence. C’est ce que confirme une autre expérience.
Un groupe de garçons et de filles âgés de 6-7 ans ont le choix entre deux jeux. L’un est décrit comme étant pour les enfants « vraiment, vraiment intelligents » ; l’autre pour les enfants qui « travaillent dur ». Résultat : les filles sont nettement moins intéressées que les garçons par les jeux dits « intelligents ». En revanche, garçons et filles développent le même intérêt pour l’autre jeu, attitude qui éclaire la nature ciblée des stéréotypes sexuels, selon les auteurs des études.
Ces expériences renforcent les résultats de travaux antérieurs, souligne Sarah-Jane Leslie, de l’université de Princeton : « Nous avons constaté que les femmes adultes étaient moins susceptibles d'obtenir des diplômes supérieurs dans les domaines considérés comme exigeant d’être brillants intellectuellement ». En attendant d’approfondir ce type d’étude, « ces résultats montrent sans ambiguïté que les stéréotypes sur l’intelligence influencent les choix des filles dès leur plus jeune âge », conclut-elle.