À la fin de l’ère primaire, la plus grande extinction de tous les temps rayait de la carte 90 % des espèces. Les coupables présumés de cet écocide : des éruptions volcaniques gigantesques localisées dans la région de l’actuelle Sibérie.
Les cinq premiers millions d’années suivant cette crise auraient été caractérisés par une biodiversité extrêmement faible. Pourtant, un nouveau gisement paléontologique situé près de Paris (Idaho, États-Unis) a mis au jour une diversité d’êtres vivants moins de 1,5 million d’années après la crise, questionnant la validité d’un tel scénario. Publiée le 15 février dans la revue Science Advances, cette découverte a été réalisée par une équipe internationale coordonnée par Arnaud Brayard, chercheur CNRS au laboratoire Biogéosciences (CNRS/Université de Bourgogne).
Le gisement de Paris Canyon possède une biodiversité aussi spectaculaire qu’inattendue. Spectaculaire car les fossiles de Paris Canyon montrent encore certaines structures originellement peu (ou pas) minéralisées, apportant ainsi des informations d’ordinaire inaccessibles aux paléontologues. Inattendue car elle révèle une impressionnante biodiversité animale, incluant des éponges, des brachiopodes, des mollusques, des arthropodes, des échinodermes et des vertébrés, tous ces organismes ayant coexisté dans le même écosystème.

Parmi la trentaine d’espèces identifiées à ce jour, deux ont attiré plus particulièrement l’attention des chercheurs : les éponges et un mollusque. La plupart des éponges retrouvées à Paris Canyon appartiennent à un groupe très primitif aujourd’hui disparu, les leptomitides, groupe jusqu’à présent connu uniquement au début de l’ère primaire (Cambrien et Ordovicien, entre 520 et 460 millions d’années), soit plus de 200 millions d’années plus tôt. Inversement, une des nombreuses espèces de mollusque retrouvées à Paris Canyon est apparentée au groupe des calmars, des animaux que l’on pensait apparus au début du Jurassique, soit 50 millions d’années plus tard.

Au total, les fossiles de Paris Canyon illustrent une biodiversité plus grande et un écosystème marin bien plus complexe que ceux décrits jusqu’à présent pour le Trias inférieur. Plus surprenant encore, dans une biosphère encore profondément perturbée par la crise, le biote de Paris Canyon associe des groupes anciens, survivants de l’ère primaire, et les premiers représentants de groupes modernes, encore présents aujourd’hui. Cet écosystème constitue-t-il la règle ou l’exception ? La question est désormais posée.