À l’œil et au mot
Nos pupilles répondent à l'intensité lumineuse d'un mot. C'est ce que montrent des chercheurs du CNRS travaillant sur le traitement du langage par le cerveau.
Jade Boches - Publié le
Pour étudier le rapport entre les mots et notre organe de la vue, des chercheurs des universités d'Aix-Marseille (AMU) et de Groningue (Pays-Bas) ont étudié une soixantaine de paires d'yeux. Leur expérience est rapportée dans la revue Psychological science du 14 juin 2017. Les volontaires devaient lire ou écouter des mots issus de trois catégories : connotation lumineuse (soleil, briller, lumière...), connotation obscure (nuit, ténèbres...) et termes neutres (maison, chien...).
À la lecture ou à l'écoute d'un mot se produit une activation générale du cerveau qui dilate la pupille. Si le mot est « lumineux », la pupille se rétracte très rapidement. S'il est « sombre », elle reste dilatée. Dans le cas des mots neutres, la pupille adopte une taille intermédiaire.
Yeux et images mentales
Ce phénomène serait dû à la création immédiate d'images mentales dans notre cerveau. « D’une manière générale, des images mentales sont, tout simplement, ce que vous voyez, par exemple si vous fermez les yeux et imaginez le visage d'une amie. Dans le contexte du langage en particulier, la définition est moins claire », explique Sebastiaan Mathôt, chercheur au laboratoire de psychologie cognitive (AMU). Par exemple, le mot « soleil » serait automatiquement associé à la vision d'une boule extrêmement brillante : « Ce n’est pas un phénomène prouvé, c’est plutôt de l’ordre de la théorie. Cette théorie, bien établie, n'est pas propre à notre laboratoire. Nos résultats, en tout cas, la corroborent », commente le chercheur.
Ces images entraînent-elles la contraction de notre pupille comme si notre œil se préparait inconsciemment à recevoir une grande quantité de rayons lumineux ? Ou nous aideraient-elles tout simplement à comprendre le sens des mots ? Les recherches se poursuivront afin de tester de nouveaux paramètres et de répondre à ces questions.
Les expériences futures se dérouleront avec des personnes bilingues. "L'hypothèse est que l'on traite notre langue maternelle plus profondément qu'une langue que l'on a apprise plus tard", développe Sebastiaan Mathôt. Ainsi, à la lecture d'un mot dans notre langue secondaire, moins d'images mentales seraient créées et, par conséquent, nos pupilles répondraient moins fortement à la luminosité sémantique des mots. "Ma langue maternelle est le néerlandais, mais je parle couramment anglais, et personnellement, je trouve que je suis moins émotif et plus distant lorsque que je parle dans cette langue. Ce n'est qu'une hypothèse pour l'instant, mais c'est fascinant !"