Directeur de l'unité de Radiobologie clinique. ©Michel Depardieu/Inserm Portrait du professeur Maurice Tubiana, alors qu'il dirige l'unité 66 Radiobiologie clinique de l'Inserm © Michel Depardieu/Inserm

Cancérologue de renom, Maurice Tubiana est décédé le 24 septembre à l’âge de 93 ans. Membre de l’Académie des sciences, il était à la fois biologiste et physicien, et avait été l’initiateur, dans les années 1960, de la radiothérapie moderne. Tout au long de sa vie, il fut un homme engagé : durant la guerre, d’abord, où il rejoignit la Résistance. Mais aussi par la suite, où il ne cessa de se battre pour la santé publique. Il tenta également de réconcilier les Français avec la science. Il défendait le développement durable et « l’écologie-science » en opposition aux mouvements écologistes. Très peu versé dans le consensus, il n’hésitait pas à dénoncer le principe de précaution ni à défendre le nucléaire et les OGM.

« Pile ou face »

Maurice Tubiana est né le 25 mars 1920, à Constantine, en Algérie. Benjamin d’une famille de trois garçons, il poursuit des études secondaires à Alger, puis rejoint Paris à l’âge de 17 ans. Hésitation. Doit-il s’engager dans des études médicales, comme son frère aîné, ou se lancer dans une classe préparatoire aux grandes écoles ? « J’ai tiré à pile ou face, explique-t-il, et je suis tombé sur médecine… ». Non sans un certain regret, semble-t-il. Il étudie à Paris puis à Lyon, où la guerre le rattrape. En 1943, il s’engage dans la Résistance, aux côtés des Forces françaises libres, avant d’être blessé un an plus tard.

Médecin ET physicien

Engagé contre le cancer. © Michel Depardieu/Inserm Les professeurs Maurice Tubiana, alors directeur de l'unité 66 Radiobiologie clinique; Pierre Denoix, directeur de l'Institut Gustave Roussy et Georges Mathé, directeur de l'unité 50 Cancérologie et immunogénétique. © Michel Depardieu/Inserm

Maurice Tubiana obtient son doctorat de médecine en 1945 et, deux ans plus tard, son doctorat de physique. Il part alors aux États-Unis à Berkeley pour étudier la biophysique. « Toute ma carrière a été conditionnée par ces 18 mois passés aux États-Unis, avouera-t-il. Ce fut une école d’humilité pour le jeune interne que j’étais. Je n’avais, jusque-là, pas compris ce qu’était une médecine fondée sur la biologie moderne et l’alliance de la rigueur scientifique et de l’intuition clinique. »

De retour en France, il devient professeur de physique médicale, et rejoint en 1952 l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif (dont il assurera la direction plus tard, de 1982 à 1988). Maurice Tubiana met à profit sa double compétence en travaillant sur l’utilisation des isotopes radioactifs en biologie et en médecine. « En 1955, j’ai eu la première bombe au cobalt installée en France en milieu hospitalier », racontait-il. De fait, Maurice Tubiana est reconnu comme un pionnier de la radiothérapie moderne et de la radioprotection. Grâce au « bêtatron », qu’il met au point avec Frédéric Joliot-Curie, puis au premier appareil de « télécobalthérapie », il remporte plusieurs victoires cliniques, s’attaquant notamment avec succès à la maladie de Hodgkin ou aux lymphomes malins.

Mousquetaire de la santé publique

En 1975, Maurice Tubiana est nommé président de la Commission cancer et commence à s’intéresser au système de santé publique. Dans un rapport explosif publié en 1983, il dénonce le système de soins en France et appelle à une évaluation de toutes les structures de santé. Poursuivant ce combat, il élabore en 1989, avec les autres « mousquetaires de la santé publique » que sont Claude Got, Gérard Dubois, François Grémy et Albert Hirsch, un plan de santé publique concernant l’alcoolisme, le tabagisme (« le plus grand fléau », selon lui) et la prévention des maladies graves.

Scientifique engagé

Directeur de l'institut Gustave Roussy (1985). © Michel Depardieu/Inserm Portrait de Michel Tubiana, directeur de l'Institut Gustave Roussy de 1982 à 1988, aux Journées annuelles d'éthique de 1985. © Michel Depardieu/Inserm

Maurice Tubiana restera un scientifique engagé jusqu'au bout. Étranger au « politiquement correct », il soutenait le développement durable, mais n’hésitait pas à condamner le mouvement écologiste, trop éloigné selon lui de « l’écologie-science ». Il était un ardent défenseur du nucléaire, expliquant que cette énergie posait moins de problèmes sanitaires que le charbon ou le pétrole. Il prenait aussi la défense des OGM, « dont les avantages l’emportent sur les inconvénients », ou des pesticides. L’un de ces derniers combats fut consacré à l’euthanasie qu'il souhaitait voir tolérée.

Au-delà de ces prises de position, Maurice Tubiana avait à cœur de réconcilier les Français avec la science. Ce fut d’ailleurs l’objet de l’un de ses derniers ouvrages, La Science au cœur de nos vies (Odile Jacob, 2010), qu'il présentait en 2011 sur la chaîne Public Sénat.