Paléontologie : le plus vieux marsurpial d'Europe
Quelques dents découvertes en Charente-Maritime révèlent que l'Europe pourrait avoir joué un rôle dans l'évolution du marsupial.
Romain Lejeune - Publié le
À l’ouest, du nouveau
Les restes d'un des plus anciens marsupiaux connus dans le monde ont été découverts dans un gisement de Charente-Maritime par une équipe de scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l'université de Rennes 1. Cette étude s'inscrit dans un programme de recherche lancé il y a dix ans qui vise à inventorier la biodiversité des plantes, des arthropodes (araignées, insectes, crustacés isopodes) et des vertébrés ayant vécu sur la marge ouest de la France, il y a environ 100 millions d'années (Ma). Au fur et à mesure que de nouvelles découvertes sont réalisées, l'inventaire de cette biodiversité est complété et permet de dresser un portrait de plus en plus détaillé de l'écosystème forestier de l'époque. La découverte de cet animal âgé de 90 millions d'années lève donc le voile sur la période du crétacé supérieur qui s'inscrit de -145 Ma à -65 Ma, et plus particulièrement dans la période dite du cénomanien* qui s'étend entre -99,6 Ma et -93,5 Ma.
* Cénomanien : Premier étage stratigraphique du crétacé supérieur. Il s'étend entre -99,6 Ma (+/- 0,9) et -93,5 Ma (+/- 0,8). Le cénomanien représente le plus haut niveau marin des 600 derniers millions d'années (environ 150 m au-dessus du niveau actuel).
Une dent qui en dit long
L'exploitation de sable, située dans la région de Rochefort-sur-Mer, a permis de mettre au jour 4 dents dans 5 tonnes de sable triées grain par grain à la loupe, appartenant à un nouveau mammifère de taille minuscule, appelé Arcantiodelphys marchandi. « Par extrapolation, la taille des dents donne une idée de la taille de l'animal, à savoir un corps de quelques centimètres de long », explique Didier Néraudeau, spécialiste en géoscience et professeur à l'université Rennes I. « De ce mammifère, on ne connaît que ses dents, et plus précisément ses molaires. Toutefois, il y a suffisamment de différences entre des dents de mammifère placentaire (mammifères avec placenta de type primates, rongeurs, etc.) et des dents de mammifère marsupial (sans placenta) pour que l'on ait pu l'identifier comme appartenant à cette dernière catégorie. »
Comme l'explique Didier Néraudeau, les dents retrouvées offrent un certain nombre d'indications importantes sur l'animal. « On sait dans quel milieu il vivait, à savoir une forêt côtière dominée par des arbres conifères de type Araucaria, dans un écosystème où l'on a également identifié via leurs dents de petits dinosaures à plumes comme les Droméosaures ou les Troodontidés. »
Particularité du mammifère marsupial
Sous-classe des mammifères, il ne se développe pas complètement dans l'utérus de sa mère. Le petit n'est qu'à peine formé quand il naît et doit poursuivre sa formation dans le marsupium de sa génitrice.
Analyse migratoire des marsupiaux
Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives concernant l'origine géographique et les mouvements migratoires du marsupial. « Les premiers marsupiaux ont été repérés par les chercheurs en Chine il y a 120 millions d'années, explique Christian de Muizon, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des marsupiaux. Cette dernière étude montre que les marsupiaux sont passés par la France vers -90 millions avant notre ère, à l'époque où les continents européen et nord-américain ne faisaient qu'un. »
Les chercheurs se doutaient jusqu'ici que des marsupiaux étaient passés par l'Europe, ils en ont désormais la preuve. « Pour parvenir en France, ajoute Christian de Muizon, l'hypothèse selon laquelle les marsupiaux sont partis de Chine et passés par l'Amérique du Nord est la plus logique. »