Pas plus de 473 gènes pour faire vivre une cellule
Une équipe de chercheurs américains vient de créer une cellule dont le génome, entièrement synthétique, n’est constitué que des gènes indispensables à la vie. Un objectif poursuivi depuis plusieurs années. Suite d’un feuilleton qui mêle génie génétique et technologique.
Clio Bayle - Publié le
En 2010, l’Institut Craig Venter, un centre de recherche privé, réussissait à créer une cellule 100 % génétiquement modifiée. Cet événement majeur en matière de génomique de synthèse n’était en fait qu’une étape vers un objectif plus ambitieux : la création d’un génome minimal, réduit aux seuls gènes essentiels à la vie. C’est chose faite, comme l’annonce un article publié dans Science.
Comment identifier les gènes essentiels à une cellule ?
La cellule artificiellement « simplifiée » mise au point par l’équipe de Craig Venter et Clyde Hutchinson, deux généticiens spécialistes en biotechnologie, ne contient plus que 473 gènes : un record parmi les organismes unicellulaires capables de se multiplier. Pour arriver à ce résultat, les chercheurs sont partis du génome de la bactérie Mycoplasma mycoides – celui-là même qu’ils avaient synthétisé en 2010. « Nous avons commencé par établir des génomes hypothétiques, composés de ce que nous savions être des gènes essentiels, puis nous les avons mis à l’épreuve. Comme on s’y attendait, aucun de nos modèles n’a fonctionné du premier coup », raconte Craig Venter, le fondateur de l’Institut qui porte son nom. En procédant ensuite par étapes, les chercheurs ont pu identifier, segment par segment, tous les gènes sans lesquels la cellule mourrait.
À leur surprise, près d’un tiers des gènes de JCVI-syn3.0, le nom donné à la version finale du génome minimal, a un rôle qui reste encore à déterminer. « Cette proportion d’inconnus explique que nous n’ayons pas trouvé la bonne combinaison dès le début, fait remarquer Craig Venter, puisque la fonction de certains de ces gènes essentiels n’est même pas encore identifiée ». Par ailleurs, JCVI-syn3.0 contient la quasi-totalité des gènes qui participent à la lecture et à l’expression du génome, ainsi que ceux qui servent à le préserver pour les générations suivantes. En revanche, elle est notamment dépourvue des gènes dont le rôle est de modifier l’ADN.
Quelles applications ?
« Il reste tellement de choses à apprendre sur le rôle des gènes, explique Pierre Tambourin, directeur du Genopole d’Évry. Disposer d’un modèle comme celui-ci est extrêmement intéressant, notamment du point de vue de la compréhension des rouages du vivant. » En créant un modèle qui vise à s’approcher de la vie sous sa forme génétique la plus dépouillée, l’équipe de généticiens a créé un outil versatile pour étudier les fonctions essentielles de ces gènes primordiaux. Mais ce n’est pas sa seule application possible. En outre, la méthodologie de création utilisée pourrait être appliquée à la création d’une cellule dont on pourrait choisir ou booster plus facilement les caractéristiques. Un protocole susceptible d’intéresser l’industrie de la biochimie, des biocarburants ou l’industrie médicale. « L’idée est d’obtenir des usines de production plus efficaces en biologie de synthèse, explique Pierre Tambourin. Mais pour l’instant, rien ne prouve qu’un génome minimal serait plus facile à manipuler. »
Combien de gènes ?
- Humain : 20 000 à 25 000
- Escherichia coli (bactérie modèle utilisée en laboratoire) : environ 4 500
- Syn1.0 (1e bactérie de synthèse) : 901
- Mycoplasma genitallium (organisme naturel au plus petit génome) : 525
- Syn3.0 : 473
Source : Science