Pilote virtuel : bientôt un troisième « homme » dans le cockpit ?
L’avion est aujourd’hui le moyen de transport le plus sûr. Mais avec l’augmentation du trafic, le restera-t-il ? Une équipe de chercheurs de Bordeaux développe des algorithmes censés réduire les risques d’accident, et notamment un certain « pilote virtuel » qui devrait monter à bord dans les années à venir.
Jade Boches - Publié le
Alors que le trafic aérien double tous les dix ans, comment assurer un niveau de sécurité optimal en avion ? Rien de tel qu’un pilote virtuel scrutant les moindres défaillances pour réduire les risques d’accident : c'est du moins l'idée d’Ali Zolghadri, chercheur au laboratoire de l’intégration du matériau au système (IMS) à l’université de Bordeaux, qui a conçu un algorithme à cet effet.
Cet algorithme appartient au domaine de « l’automatique » qui, prenant la nature pour modèle, vise à concevoir des moyens techniques permettant de contrôler, commander, piloter, superviser et faire fonctionner des systèmes conçus par l’Homme. Pour cela, l'algorithme doit apprendre à effectuer des réglages en temps réel – à l'instar d'un enfant qui apprend à faire du vélo. Cependant, pour un avion – et contrairement à l’enfant – il n'y a pas de place pour l’apprentissage « essai-erreur ». L'équipe d'Ali Zolghadri développe donc des algorithmes de surveillance chargés de détecter une panne puis, lorsqu'elle est localisée, de modifier le système de pilotage de manière à en effacer l’effet sur le comportement du système.
Anticiper les risques
Le pilote virtuel permettra à l'équipage d'améliorer sa connaissance des situations complexes et donc de mieux les gérer, estime ce chercheur. Constitué d'un ensemble d’algorithmes, un tel pilote peut en effet traiter une grande quantité d’informations simultanément et apportera au cockpit une capacité d’anticipation qui n'existe pas aujourd’hui à bord des avions. « Imaginez une situation critique où l’avion, à cause d'une défaillance ou d'un autre problème, risque de sortir de son domaine de vol autorisé. Le rôle d’un pilote virtuel sera d’en avertir le pilote humain au plus vite, afin qu'il puisse prendre les décisions appropriées », explique Ali Zolghadri. Ce pilote aura donc deux missions : d’abord, réduire toujours plus le taux d’accident malgré la croissance constante du trafic aérien, et ensuite, diminuer la consommation en combustible de l’appareil en limitant les gains de poids, et ainsi améliorer son impact sur l’environnement.
« Attention, il ne s’agit pas de supprimer le pilote humain du cockpit, précise le chercheur. C’est techniquement possible, mais seriez-vous prêt à prendre un avion sans pilote ? Le pilote virtuel, tel qu’on le conçoit, fournit une aide à la décision, mais ne décide pas à la place des pilotes humains. Les décisions ultimes, ce sont eux qui les prendront ». Toutefois, les défis techniques et scientifiques à relever sont encore très nombreux : passage de ce système complexe à l’échelle des solutions algorithmiques, couverture des situations défaillantes et optimisation des ressources de contrôle à bord, fiabilité et robustesse du système, etc.
Dans le monde de l’automatique, entre la conception d'un algorithme et sa mise sur le marché, il s'écoule en général une petite dizaine d’années. Ainsi, c'est après huit ans de développement que l'ancien projet d'Ali Zolghadri a été intégré à l’A350, en 2015 : un système prédisant les défauts potentiels des surfaces de contrôle, c’est-à-dire les dispositifs qui permettent de contrôler les mouvements d’un avion. Qui sait à quoi ressemblera donc le cockpit du futur, d'ici 30 ou 40 ans…