Plus de 75 % des insectes volants disparus en 30 ans
Pour la première fois, une étude conduite en Allemagne révèle l'effondrement des populations d’insectes volants en moins de trente ans. En cause, semble-t-il : les néonicotinoïdes.
Véronique Marsollier - Publié le
Les insectes sont-ils bel et bien de moins en moins nombreux ? Le doute est désormais levé : ainsi, en Allemagne, leur nombre a chuté de plus de 75 % en moins de trois décennies. C’est ce que révèlent des chercheurs de l’université de Radboud (Pays-Bas) et leurs collègues allemands et anglais dans une étude parue le 18 octobre dans la revue Plos One.
Un déclin spectaculaire
Dirigée par deux chercheurs de l’université de Krefeld, l'équipe d’entomologistes a recueilli des données durant 27 ans dans 63 endroits différents, situés dans des réserves naturelles d'Allemagne de l'Ouest. La technique est classique, mais efficace. Des insectes volants ont été piégés dans des tentes Malaise (conçues par l’explorateur suédois René Malaise dans les années 1930), qui récupèrent l’entomofaune de manière non sélective. La biomasse a ensuite été pesée et comparée.
Résultat : une baisse moyenne de 76 % de la masse totale des insectes a été constatée dans ces zones pourtant protégées. Au milieu de l’été, lorsque le nombre d’insectes atteint son maximum, la baisse est encore plus marquée : 82 %.
« On soupçonne une baisse de la biomasse des insectes volants depuis longtemps », explique Caspar Hallmann, écologue de l’université de Radboud et chargé des analyses statistiques. Elle a été observée particulièrement sur les papillons et les abeilles en Europe occidentale et en Amérique du Nord depuis plusieurs années. « Mais le fait que la population d’insectes volants diminue à un rythme aussi élevé dans une zone si vaste est une découverte encore plus alarmante », déclare Hans de Kroon, coauteur de l’étude.
Les néonicotinoïdes suspectés
Cependant, les causes exactes de ce déclin restent incertaines. Les données ont été croisées avec plusieurs facteurs locaux comme la température, les sols, les changements météorologiques, les évolutions des paysages ou la biodiversité végétale. Mais cela n’explique pas cette tendance au cours du temps. Les pathogènes comme les virus ou les parasites ont également été écartés, car tous les insectes sont touchés par la baisse, quelle que soit leur espèce.
Les zones étudiées étant de petite taille et pour la plupart délimitées par des zones agricoles, l'explication de la baisse la plus plausible pour les chercheurs est une contamination liée à l’intensification des pratiques culturales et au recours aux pesticides tels que les néonicotinoïdes. Cette suspicion est renforcée par les résultats d’études concernant l’impact délétère de ces molécules sur les populations d’abeilles. Le 6 octobre, une étude parue dans Science a montré la présence de résidus de néonicotinoïdes dans les trois quarts des miels provenant du monde entier.