Sept années seulement nous séparent de la première découverte d'une planète située hors de notre système solaire. Depuis cette prouesse réalisée par l'astronome suisse Michel Mayor, de nombreuses autres équipes scientifiques se sont adonnées à ce nouveau sport que constitue la chasse aux exoplanètes. On dénombre ainsi aujourd'hui plus de cent planètes extrasolaires...

Malgré ce magnifique tableau de chasse, aucune de ces planètes ne peut être comparée à la Terre. Toutes sont des « géantes gazeuses », des planètes comparables à Jupiter ou à Saturne par leur masse et par leur composition, qui s'en distinguent cependant par la très faible distance qui les sépare de leur étoile : souvent moins d'une Unité Astronomique* (5,2 UA pour Jupiter). Cette caractéristique fait qu'elles gravitent très rapidement autour de leur étoile, en quelques jours seulement (12 ans pour Jupiter), selon des orbites souvent très excentrées. Bref, des systèmes planétaires a priori très différents du nôtre, incapables d'accueillir une « Terre ». Quoique…

* Unité Astronomique (UA) : 1 UA = distance moyenne Terre-Soleil soit 149 597 870 km

Une découverte qui fait grand bruit

Vue d'artiste de l'exoplanète orbitant autour de 55 Cancri © NASA/Lynette Cook

Le 13 juin 2002, coup de théâtre. Dans une opération médiatique savamment orchestrée par la Nasa, l'équipe américaine de Geoffrey Marcy et Paul Butler annonce la découverte de treize nouvelles exoplanètes. Joli coup de filet !

Cependant, ce n'est pas sur le nombre que les Américains ont choisi de communiquer mais sur l'une des planètes en particulier : celle gravitant autour de l'étoile 55 Cancri qui, d'après eux, constituerait la première exoplanète véritablement comparable à notre Jupiter…

Un système planétaire semblable au nôtre ?

Pourquoi découvre-t-on aujourd'hui autant d'exoplanètes ? Jean Schneider, planétologue à l'observatoire de Paris-Meudon... © CSI

La similitude se borne en réalité à un seul point : la distance qui sépare la planète de son étoile (5,9 UA) avoisine pour la première fois celle qui sépare Jupiter du Soleil (5,2 UA). Une caractéristique qui, selon les Américains, fait de ce système le premier capable d'abriter une « Terre ».

Il est en effet admis que les planètes géantes se forment loin de leur étoile. Or, toutes celles découvertes jusqu'alors en étaient très proches. Cette courte distance implique donc qu'elles ont migré. Mais, durant leur migration, elles ont tout balayé sur leur passage, y compris les planètes plus petites.

« Les Américains avancent que le système qu'ils ont découvert est le premier compatible avec la présence d'une Terre », note Jean Schneider, planétologue à l'observatoire Paris-Meudon.

« Cependant, de manière un peu malhonnête, ils ont passé sous silence que 55 Cancri abrite également deux autres planètes géantes sur des orbites très courtes. S'il y a eu une Terre, elle a donc été balayée. »

L’Helvétie contre-attaque

Michel Mayor : “Cette annonce est un effet médiatique de la NASA. Cela n'a rien de très sérieux“ Michel Mayor est astronome à l'Observatoire de Genève © CSI

Pris de court, Michel Mayor et son équipe de l'observatoire de Genève décident de révéler également le fruit de leur dernière campagne de recherche. Une semaine après leurs concurrents américains, ils annoncent la découverte de douze nouvelles planètes extrasolaires… dont une promet d'être encore plus remarquable que celle des Américains. Cette planète gravite suffisamment loin de son étoile (3,6 UA) et il n'y a aucune autre planète géante en vue sur une orbite plus courte.

Il pourrait donc s'agir du premier système véritablement capable d'abriter une "Terre" : une planète tellurique*, de petite taille et située à une distance raisonnable de son étoile afin que sa température soit compatible avec le développement de la vie. Reste qu'il est impossible, à ce jour, de vérifier la présence d'une telle planète.

* planète dont la surface est solide

Des méthodes qui ont atteint leurs limites ?

Aucun instrument au monde, qu'il soit spatial ou terrestre, n'est aujourd'hui en mesure de restituer l'image d'une planète extrasolaire : taille trop réduite, luminosité trop faible… Les astronomes en sont donc réduits à utiliser des méthodes de repérages indirectes.

La méthode des vitesses radiales... Cette courbe correspond à la variation de vitesse d'une étoile au cours du temps mesurée à l'aide d'un spectrographe. Elle permet d'en déduire la présence d'une ou plusieurs planètes.(Sans planète, la courbe aurait été plane) © Observatoire de Genève

La première d'entre elles, dite "des vitesses radiales", s'appuie sur le fait qu'une planète perturbe le mouvement de l'étoile autour de laquelle elle gravite. Puisque l'analyse spectrale d'une étoile permet de mesurer sa vitesse au cours du temps, il est possible de détecter certaines anomalies et d'en déduire la présence d'une ou plusieurs planètes. C'est par ce principe que la quasi-totalité des découvertes ont pu être réalisées.

La méthode des transits... Ce graphique montre une baisse chronique de la lumière de l'étoile qui correspond au passage d'une planète devant son disque. © OGLE

Autre méthode, celle dite "des transits". Elle consiste à mesurer la baisse de luminosité d'une étoile lorsqu'une planète passe devant elle. Jusqu'alors, cette technique a surtout permis de confirmer la présence de planètes préalablement détectées par la méthode des vitesses radiales. Cependant, une équipe polonaise vient d'annoncer, fin juin, la découverte probable de treize nouvelles planètes grâce à la méthode des transits. D'autres études doivent venir confirmer ces résultats.

« La plus petite exoplanète aujourd'hui détectée a une masse équivalente à 36 fois celle de la Terre, fait remarquer Jean Schneider. Mais les instruments et les procédés actuels n'ont pas dit leur dernier mot et je pense que dans les mois qui viendront, ils permettront de descendre jusqu'à 10 fois la masse terrestre. » Or, cette masse définit justement la frontière entre les planètes gazeuses et les planètes telluriques.

De nouveaux instruments en perspective

Corot © CNES/Active Design

Principal obstacle dans la détection des exoplanètes : notre propre atmosphère qui agit comme un filtre mouvant. Pour s'affranchir de cette barrière, les planétologues comptent énormément sur les prochains observatoires spatiaux dont les lancements sont prévus entre 2005 et 2008 : Corot et Eddington pour l'Europe, Kepler pour les États-Unis, trois instruments s'appuyant sur la méthode des transits et capables, en théorie, de détecter des planètes de la taille de la Terre.

Mieux, vers 2015, Darwin (Europe) et Terrestrial Planet Finder (États-Unis) pourraient enfin nous permettre de voir ces planètes ! Leur secret ? L'interférométrie, un procédé qui consiste à combiner les images de plusieurs télescopes afin d'obtenir la résolution d'un instrument beaucoup plus gros. L'objectif “Terre“ n'est donc pas si lointain. Armons-nous seulement d'un peu de patience…