Human Longevity, la société de Craig Venter, serait capable de réaliser le portrait-robot d'un individu à partir du séquençage de son génome. Mieux : un portrait précis et réaliste permettant de déterminer non seulement le sexe, la couleur des yeux et de la peau, mais aussi la forme et les traits du visage, l'âge de la personne et la texture de sa voix. 

Scoop génétique...

Comme elle le raconte dans la revue Pnas, l'équipe en charge du projet a commencé par séquencer le génome complet de 1061 personnes d'âges et d'origines ethniques différents. En croisant ces données génétiques et des photos des visages des participants, et en utilisant une approche dérivée de l'intelligence artificielle, les chercheurs ont isolé de petites différences dans les séquences d'ADN qu'ils ont associées à des traits du visage tels que la hauteur des pommettes. L'équipe a également travaillé sur d'autres critères comme la taille, le poids, l'âge, les caractéristiques vocales et la couleur de la peau. Cette méthode d'analyse leur aurait permis d'identifier correctement un individu dans un groupe de dix personnes choisies au hasard.
Craig Venter n'en est pas à son coup d'essai en matière de « scoop génétique » : en 2000, il dirige la première entreprise privée à avoir séquencé le génome complet d'un être humain et en 2010, il publie le premier génome synthétique (entièrement fabriqué en laboratoire) capable de donner vie à une bactérie et d'engendrer une descendance. Les annonces ont été chaque fois retentissantes. Celle du portrait-robot génétique, a contrario, n'a pas convaincu : la revue Science a refusé de publier ce travail et les collègues de Venter – y compris ceux qui ont travaillé sur ce programme – sont sceptiques, voire critiques.

... ou faux scoop ? 

En premier lieu, le résultat ne serait pas très précis : le portrait-robot « génétique » de Craig Venter lui-même, ci-dessus au milieu, ressemble autant au « vrai » Craig Venter, à gauche, qu'à un autre individu (en l'occurrence, l'acteur Bradley Cooper), comme celui de droite. Au-delà, il n'y a rien d'exceptionnel à identifier une personne parmi dix autres choisies au hasard une fois écartées les personnes de sexe, d'âge et de couleur différents.
Un autre argument – l'intérêt économique – explique les réticences de la communauté scientifique. Craig Venter annonce en effet qu'il faut désormais protéger ses données génétiques et cesser de les partager. Or son entreprise a pour ambition l'édification de la plus grande base de données génétiques humaines mondiale. Si les séquençages génétiques cessaient d'être librement partagés, ils pourraient alimenter un nouveau marché très lucratif, sur lequel Craig Venter se trouve d'ores et déjà positionné.