Smart-1 © J. Huart - ESA 2002

Le 27 septembre 2003, une Ariane-5 quittait sans encombre le Centre spatial guyanais de Kourou. À son bord, deux satellites de communication géostationnaires, mais aussi une petite sonde européenne baptisée Smart-1. Son objectif : la Lune. Mais Smart-1 ne se posera pas sur notre satellite. Après un périple de treize mois, l'engin vient de se placer en orbite autour de la Lune afin de réaliser des mesures scientifiques durant près d'un an.

Mission capitale pour l'Agence Spatiale Européenne (ESA), « Smart-1 est la première d'une série de petites missions de recherche sur des techniques de pointe* », explique David Southwood, directeur des programmes scientifiques de l'ESA.

Avant d'être scientifique, l'objectif de la sonde est donc essentiellement technologique. « Elle doit permettre de tester plusieurs techniques et instruments nouveaux indispensables aux futures missions interplanétaires », précise David Southwood. Smart-1 embarque en effet un système de propulsion révolutionnaire ainsi qu'une batterie d'instruments miniaturisés.

* SMART = Small Missions for Advanced Research in Technology

Une mission légère et à faible coût

Mission

Tester la propulsion ionique et quelques autres dispositifs technologiques.
Réaliser des mesures scientifiques et des observations de la Lune.

Dimensions

1 m3 (une taille relativement réduite pour ce type de sonde)
370 kg (au décollage)
Envergure des panneaux solaires : 14 m (pour puissance de 1,9 kW)

Charge scientifique

19 kg

Lancement

Le 27 septembre 2003, depuis Kourou (en Guyane), à bord d'une Ariane-5-G chargée de mettre en orbite deux satellites commerciaux.

Orbite

Mise en orbite lunaire après 16 mois (environ) de trajet.
Altitude variant de 300 à 10 000 km.

Durée totale de la mission

2 ans - 2 ans et demi.

Mise en œuvre du projet

Agence spatiale suédoise (Swedish Space Corporation)

Coût

Environ 100 millions d'euros (la moitié d'une mission scientifique habituelle)

Un moteur révolutionnaire

La principale originalité de Smart-1 tient dans son mode de propulsion. Pour se mouvoir, la petite sonde a recours à un moteur ionique (également appelé moteur plasma), une technologie que seule la sonde américaine Deep Space 1 avait jusqu'alors expérimentée. Évaluer les performances de ce mode de propulsion constitue l'une des principales missions de Smart-1.

Le principe du moteur ionique Le principe de moteur ionique consiste à ioniser un gaz inerte (du xénon) à l’aide d’un courant électrique. Les ions produits sont ensuite accélérés par un champ électrique et expulsés à très grande vitesse par une petite tuyère.Par réaction, la sonde se déplace. © AOES Medialab, ESA 2002

Avantage de cette technologie, elle est économique : à puissances égales, un moteur ionique consomme dix fois moins de combustible qu'un moteur-fusée classique à base d'ergols. Un peu de xénon, d'électricité (fournie dans le cas de Smart-1 par les panneaux solaires), et le tour est joué. La poussée est en revanche plus réduite. Mais elle peut être délivrée durant des années tandis que les moteurs-fusées, plus puissants, consomment leurs ergols en quelques minutes seulement.

En permettant d'allonger considérablement la durée des vols interplanétaires, les moteurs ioniques ouvrent ainsi la voie à l'exploration de l'espace lointain. Bepi-Colombo (la prochaine sonde européenne à destination de Mercure programmée en 2009), et Solar Orbiter (qui s'approchera au plus près du soleil) auront recours à cette technologie.

Conséquence : un parcours atypique

Au début des années 70, il ne fallait que quatre jours aux astronautes du programme Apollo pour rejoindre notre satellite. Mais en raison de la faible poussée délivrée par le moteur ionique, Smart-1 ne peut parcourir d’un seul trait les 380 000 km qui séparent la Terre de la Lune. Treize mois lui ont été nécessaires pour arriver à destination…

Le départ... Au lieu de se rendre directement à destination, la sonde a été injectée sur une orbite elliptique autour de la Terre. Cette orbite évolue sur une spirale de plus en plus ample qui rapproche progressivement la sonde de sa cible. © AOES Medialab, ESA 2002

Au lieu d'être envoyée directement vers la Lune, la sonde est lancée sur une orbite elliptique autour de la Terre. Cette orbite évolue sur une spirale de plus en plus ample qui rapproche progressivement la sonde de sa cible.

... l'arrivée. À environ 200 000 km de la Terre, Smart-1 est finalement capturée par le champ gravitationnel de la Lune. © AOES Medialab, ESA 2002

À environ 200 000 km de la Terre, Smart-1 est finalement capturée par le champ gravitationnel de la Lune.

Un territoire scientifique à (re)découvrir

Si la mission Smart-1 se veut avant tout technologique, elle offre également l'opportunité de réaliser toute une série de travaux scientifiques.

Les instruments scientifiques de Smart-1... Smart-1 embarque essentiellement trois instruments scientifiques : - le spectromètre D-CIXS (rayons X) qui nous renseignera sur la composition du sol lunaire. Il mesurera notamment le taux de magnésium qui, selon les scientifiques, serait un témoin important du processus de formation de notre satellite, - le spectromètre SIR (infra rouge) qui permettra d’analyser les roches lunaires, - la caméra Amie (lumière visible) qui permettra de cartographier notre satellite avec une résolution de 30 m. © AOES Medialab, ESA 2002

Car malgré l'alunissage de six modules américains Apollo (avec équipage) et de six capsules automatiques Luna, lancées par les Soviétiques, la Lune garde encore bien des mystères : « Si les scientifiques disposent d'informations ponctuelles sur la Lune, il leur manque une vision globale », fait remarquer David Southwood. 

La sonde embarque ainsi 19 kg de matériel scientifique, des spectromètres et une caméra que les ingénieurs ont dû miniaturiser à l'extrême. À partir de janvier 2005, Smart-1 doit ainsi réaliser une carte topographique de la Lune ainsi qu'une analyse minéralogique de sa surface.

Les planétologues veulent comprendre notamment comment le système Terre-Lune s'est formé, comment il a évolué. Ils veulent également cerner le rôle joué par certains phénomènes géophysiques (volcanique, tectonique, formation des cratères ou érosion) dans le modelage de la Lune. En particulier, la face cachée de la Lune et les régions polaires restent largement inexplorées.

Hypothèses sur l'origine de la Lune

L'impact planétaire constitue la théorie la plus en vogue. © AOES Medialab, ESA 2002

Plusieurs théories se sont succédées pour expliquer la formation de la Lune.

1. Formation par fission de la Terre
Selon cette théorie, la Lune s'est scindée de la Terre au début de sa formation, il y a 4,55 milliards d'années.

2. Formation en orbite terrestre
La Terre et la Lune se seraient formées indépendamment mais à partir du même nuage de matière.

3. Formation loin de la Terre
La Terre aurait capturé dans son champ gravitationnel un corps céleste étranger.

4. Impact planétaire
Formulée en 1975, c'est la théorie qui recueille aujourd'hui le plus de suffrages. Il y a environ 4,55 milliards d'années, la Terre, en cours de formation, aurait été heurtée par un corps de la taille de Mars. L'impact aurait projeté dans l'espace des bribes du manteau rocheux de la Terre. Ces débris se seraient dispersés en un anneau autour de notre planète. La Lune se serait ensuite formée par un processus d'agglomération progressif de tous ces fragments rocheux.

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