Un tour du monde en avion, mais sans une goutte de kérosène. Voilà le défi que Bertrand Piccard et André Borschberg se sont promis de relever il y a maintenant 17 ans. Un rêve en train de devenir réalité puisque les deux pilotes se relaient depuis 2015 à bord d’un avion uniquement propulsé à l’énergie solaire. Parti d’Abu Dhabi aux Émirats arabes unis en mars 2015, le Solar Impulse 2 a atterri dans la Silicon Valley en Californie le 24 avril, bouclant ainsi sa traversée du Pacifique. 
Les 17 248 cellules photovoltaïques qui recouvrent les ailes et l’aileron de l’avion fournissent suffisamment d’énergie pour alimenter les moteurs et recharger les batteries. De jour, l’appareil vole en haute altitude pour emmagasiner un maximum d’électricité. La nuit, il redescend jusqu’à 1000 mètres et plane grâce à l’énergie stockée durant la journée. Ce fonctionnement permet à l’avion de progresser à la vitesse de croisière maximum de 120 km/h. Pour rallier Hawaï à la côte ouest des États-Unis, Bertrand Piccard a eu besoin de 62 heures de vol. Par comparaison, il en a fallu seulement 18 à Amelia Earhart pour effectuer le même trajet en 1935. 

Conditions météorologiques clémentes exigées

Durant ces longues heures de vol, le Solar Impulse a besoin d’une météo très favorable. Léger et peu maniable, l’avion doit rester le plus stable possible. Au-delà de 10° d’inclinaison, il est en danger. En cas de pluie ou de vent, pas question de décoller. L’expédition doit donc s’accommoder de fréquents retards et changements de dernière minute. C’est d’ailleurs une météo difficile qui a forcé l’atterrissage au Japon en mai 2015, alors que l’avion devait relier la Chine à Hawaï. Un autre incident, la surchauffe des batteries, est également à l’origine de son immobilisation pendant 8 mois à Hawaï, où elles ont dû être remplacées. 

Au-delà du défi technologique, Solar Impulse représente aussi un challenge sportif. À bord, tout est optimisé pour un maximum de légèreté : pas de pilote automatique ni de mise sous pression de la cabine. Ce que l’avion ne transporte pas en équipements, le pilote doit les compenser en prouesses physiques. « Nous avons un avion entièrement durable en terme d’énergie. Notre challenge est de rendre le pilote “durable” lui aussi, mais en terme de performance », explique André Borschberg. En haute altitude par exemple, pour s’assurer de la stabilité de l’appareil, le sommeil est divisé en tranches de 20 minutes maximum, et cela lors de voyages qui peuvent parfois durer jusqu’à cinq jours d’affilée. Pour tenir le coup dans une cabine qui ne mesure que 3,8 m3, André Borschberg (63 ans) et Bertrand Piccard (58 ans) ont suivi un entraînement intensif : régime, yoga, autohypnose pour stimuler la concentration, et des heures de simulation de vol. De même, l’équipement embarqué à bord a été spécialement conçu pour aider les pilotes à supporter les conditions difficiles du voyage. Les combinaisons de vol sont notamment pensées pour s’adapter à des températures allant de - 20 à + 30 °C et le siège de pilotage sert également de lieu d’aisance, de lit et d’équipement sportif.

Prouver qu’avec les énergies renouvelables, tout est possible

« Solar Impulse n’est pas fait pour transporter des passagers, mais pour véhiculer des messages », souligne Bertrand Piccard. L’aventure vise non seulement à prouver la viabilité des avions propres, mais aussi à légitimer les énergies renouvelables au sens plus large du terme : « Si un avion peut voler jour et nuit sans carburant, alors pourquoi ne pourrions-nous pas alimenter la Terre entière grâce aux énergies propres ? » Outre cet appel à la transition énergétique, la construction de Solar Impulse a également encouragé des programmes de recherche inédits. Les matériaux conçus spécialement pour l’avion pourraient notamment trouver une utilité au quotidien, comme par exemple des ascenseurs solaires ou des combinaisons pour stimuler les muscles – celles-là mêmes que portent les pilotes.