Un an dans l'ISS
Aller sur Mars, ou vers les astéroïdes, demandera des mois, si ce n’est des années de voyage. Pour préparer l’avenir, deux cosmonautes, l'un américain, l'autre russe, vont passer un an dans l’ISS.
Bernard Nomblot - Publié le
Scott Kelly et Mikhail Kornienko sont dans leurs pays respectifs – les États-Unis et la Russie – parmi les astronautes les plus expérimentés encore en activité. Et ce n’est pas fini puisqu’ils participent, depuis le 27 mars, au plus long vol spatial depuis bien longtemps. Ce jour-là, une fusée Soyouz a décollé de Baïkonour pour emmener ces deux hommes, accompagnés de l’ingénieur Guennady Padalka, vers la Station spatiale internationale (ISS). Une opération de routine, certes. Ce qui l'est moins, c’est la durée de la mission : Scott Kelly et Mikhail Kornienko s'apprêtent à rester un an dans l’ISS.
Le but de l’expérience est d’étudier et de caractériser les conséquences d’une longue période d’apesanteur sur le corps humain. On le sait, l’absence de pesanteur entraîne des conséquences sur l’organisme, telles que décalcification des os, atrophie musculaire, anémie et affaiblissement du système immunitaire. Une pratique sportive régulière permet d'en ralentir la survenue, mais on ne sait toujours pas comment les empêcher. La norme, dans l’ISS, est de deux heures d’activité physique chaque jour.
Outre les inconvénients liés à l’absence de gravité, les rayons cosmiques et les éruptions solaires peuvent avoir un impact sur la santé des astronautes. Enfin, des troubles intellectuels peuvent apparaître dans un environnement somme toute extrêmement monotone et théoriquement dépourvu de surprise.
Des vols de longue durée ont été effectués, mais ils sont déjà anciens et ne concernaient que des Russes. Les cosmonautes Titov et Manarov ont passé un an dans la station Mir en 1988. Quant à la palme du plus long séjour dans l’espace, elle revient au médecin Valery Poliakov : 14 mois et demi, en 1994-1995. Ces trois hommes étaient revenus sur Terre en relativement bonne santé, peut-être parce qu’il effectuaient deux heures et demie de culture physique par jour.
Mais d’autres expériences sont nécessaires si, à l’avenir, des astronautes doivent s’éloigner de la Terre durant de longs mois, pour des missions en direction des astéroïdes ou de la planète Mars. La mission qui débute ces jours-ci a justement pour but de mesurer précisément les dommages subis par l’organisme et de chercher les moyens d’y remédier.
Scott et Mark
Les deux hommes qui séjourneront durant un an dans l’ISS ne sont pas des débutants. Mikhail Kornienko et Scott Kelly ont déjà passé six mois dans la Station internationale en 2010, dans deux équipages différents. Mais Scott Kelly présente aussi un autre avantage du point de vue de la Nasa : il a un frère jumeau, Mark, lui aussi astronaute.
Cela peut sembler trivial, mais le patrimoine génétique des jumeaux homozygotes étant parfaitement identique, les médecins pourront comparer au patrimoine génétique de Mark toute modification qui affecterait Scott durant son vol d’un an. Le vol de Kelly et Kornienko sera essentiellement consacré à la recherche médicale et sera complété par des expériences sur le comportement du corps effectuées sur Terre par Mark Kelly.
Depuis près de 20 ans que l’ISS est en orbite, la Nasa insiste sur le fait que les techniques utilisées à bord doivent servir à préparer le voyage vers Mars. Cette fois-ci, ce n’est pas du matériel qu’il s’agit de tester, mais des astronautes, dans l’espoir d’aller, un jour, plus loin.