Un poisson aveugle à la (re)conquête de la vie terrestre
Il y a 420 millions d’années, quelques espèces aquatiques ont évolué pour coloniser le milieu terrestre. Des chercheurs américains ont repéré un petit poisson endémique des grottes de Thaïlande qui pourrait être en train de rejouer cette sortie des eaux.
Chloé Huguenin - Publié le
Comme son surnom l’indique, Cryptotora thamicola – le « poisson des grottes escaladeur de cascade » – est une espèce capable de marcher et de grimper le long des parois d’une chute d'eau. Et pas n’importe comment. Des biologistes du New Jersey Institute of Technology viennent de publier une étude qui le décrit comme le seul poisson manifestant des caractéristiques spécifiques aux tétrapodes – des vertébrés pourvus de quatre membres marcheurs ( ex. : amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères).
En effet, ce poisson aveugle présent uniquement dans les grottes obscures du nord de la Thaïlande présente une colonne vertébrale et une ceinture pelvienne soudées qui lui permettent de supporter son poids face à la gravité. Les chercheurs précisent que ces os fournissent des sites d’attachement pour de futurs muscles de la marche. Après avoir scanné des individus et fait des observations en milieu naturel, les chercheurs affirment que leur morphologie et leur comportement tendent vers une marche similaire à celle des mammifères ou des amphibiens. De plus, les empreintes des nageoires de Cryptotora ressemblent à s’y méprendre aux empreintes fossiles des plus vieux tétrapodes subaquatiques connus.
Cryptotora vit dans l'obscurité et grimpe, à la façon des salamandres, les cascades souterraines à contre-courant. Il a une structure unique parmi les poissons et il agit comme les espèces disparues qui se sont adaptées au milieu terrestre.
Le passage de l’eau à l’air libre a eu lieu plusieurs fois au cours de l’évolution et continue de se produire. Bien que les scientifiques précisent que Cryptotora thamicola n’est pas une copie conforme des premiers « tétrapodomorphes », car il manque de doigts, sa plasticité exceptionnelle lui permet de se sentir comme un poisson… hors de l’eau.