La nociception, c’est-à-dire la perception de la douleur, nous aide à identifier les dangers, et donc à les éviter. Mais les personnes amputées d’une main et dotées d’une prothèse se trouvent privées d’informations en provenance de cette partie du corps, extrêmement riche en nocicepteurs ou récepteurs de la douleur. La première conséquence est un risque accru d’endommager la prothèse, en l’exposant à des objets brûlants ou abrasifs.
Une équipe internationale de roboticiens de l'école de médecine Johns Hopkins et de l’université nationale de Singapour a mis au point une prothèse capable de transmettre des signaux sensoriels, soit non douloureux, pour permettre par exemple de détecter la forme d’un objet, soit de douleur modérée. Publiée dans Science Robotics du 20 juin 2018, cette approche définit un continuum de sensations à priori capable d'offrir un meilleur réalisme, mais demandant un entraînement considérable.

La variation d’intensité des réactions du cerveau à des stimulations sensorielles : c’est ce que souhaitent mesurer les chercheurs ici, en effectuant des mesures sur des nerfs différents. L’enregistrement est effectué sur un électroencéphalogramme. © Luke E. Osborn/Johns Hopkins Biomedical Engineering
Pour le dispositif sensoriel, les chercheurs ont conçu un derme électronique multicouche inspiré de l’organisation biologique naturelle des récepteurs de la main. Ce système sensoriel artificiel doit ensuite être câblé sur le système nerveux du patient. Le participant à l’étude a effectué plus de 25 heures de cartographie sensorielle pour bien localiser les zones cérébrales associées à sa main perdue. Il a également subi plus de 150 essais de stimulation sensorielle pour calibrer l’intensité des messages nerveux envoyés par la prothèse.
Enfin, cette main bionique est dotée d’une capacité réflexe grâce à un algorithme associé. Si l’objet entraîne un seuil de douleur donné, la main lâche l’objet avant même que le patient en ait émis l’ordre depuis son cerveau.

La prothèse réagit en fonction de la forme de l’objet et de la douleur ressentie. Si l’objet entraîne une douleur trop vive, la main lâche l’objet avant que le cerveau du patient n’en ait donné l’ordre. © Luke E. Osborn/Johns Hopkins Biomedical Engineering