Une sixième saveur ?
Caractéristique des féculents, une sixième saveur pourrait être bientôt ajoutée à la courte liste des cinq goûts reconnus officiellement à ce jour.
Lucie Rondou - Publié le
Les pâtes, comme le pain ou le riz, sont des féculents riches en amidon.
Combien de saveurs différentes font-elles la richesse de notre palette gustative ? Cinq, répondent les scientifiques : acide comme le citron, amer comme le café, sucré comme le gâteau, salé comme la chips. Mais aussi – moins connue du grand public – la saveur dite umami, du japonais « délicieux, savoureux », propre au glutamate présent, par exemple, dans la tomate mûre ou le fromage. L’existence de ce cinquième goût est admise par la communauté scientifique depuis 20 ans. Une étude parue dans Chemical Science en date du 23 août 2016 révèle qu’un nouveau candidat, starchy, goût des féculents qu’on pourrait traduire par « amidonné », est en passe de pénétrer ce cercle fermé.
Être ou ne pas être (un goût)
Pour cela, starchy devra satisfaire plusieurs critères. Un « goût » doit en effet correspondre à une molécule clairement identifiée, avec des récepteurs gustatifs associés (sur la langue) et une réponse comportementale propre. De fait, « starchy n’est pas le seul candidat au titre de goût » signale Loïc Briand, spécialiste de la flaveur au Centre des sciences du goût et de l’alimentation de l’Inra. « De nombreux goûts sont à l’étude, tous plus ou moins susceptibles d’intégrer la liste des officiels : le goût métallique du sang, l’astringence caractéristique d’une noix fraîche ou d’une banane trop verte, ou encore le goût du gras ».
Si bien qu’aucun nouveau goût n’a, depuis umami, rejoint la liste des goûts officiellement reconnus. Ainsi, des récepteurs gustatifs propres et une réponse comportementale correspondant à la saveur kokumi (en japonais toujours), celle de l’onctuosité, ont pu être mis en évidence. Mais les testeurs ne sont pas parvenus à distinguer l’identité caractéristique de kokumi parmi divers aliments.
Saveur amidonnée
La saveur starchy a, quant à elle, franchi cette étape. Dans l'expérience menée par Juyun Lim, l’auteure principale de l’étude, les volontaires ont en effet été capables de repérer le goût starchy parmi les diverses solutions amidonnées proposées : les Asiatiques ont décrit une saveur proche du riz et les Occidentaux, une saveur ressemblant au pain ou aux pâtes. Mieux : les testeurs ont été capables d’identifier ce goût même lorsqu’on leur administrait un inhibiteur des récepteurs du sucre (c'est-à-dire de glucides dits simples, car de petite taille moléculaire, par opposition aux molécules complexes des produits céréaliers). À l’inverse, ils ne pouvaient plus le faire lorsque était inhibée l’amylase, l’enzyme salivaire chargée de casser les grandes chaînes du polymère de glucose (amidon) en plus petits éléments – en d’autres termes, de transformer les sucres lents en sucres rapides. Ce double résultat entérine la différence entre le goût du sucre et celui de l’amidon et suggère que la perception de cette saveur s’opère au moment où la salive transforme l’amidon en glucose.
Pour inscrire starchy sur la liste des saveurs officielles, il faut encore identifier les récepteurs propres à ce goût sur la langue, s’ils existent. Selon Juyun Lim, les féculents sont les grands absents de la liste actuelle et « penser que nous ne pourrions pas sentir le goût d’un composant majeur de notre alimentation n’a aucun sens ». La raison pour laquelle nous aimons tant les féculents se trouverait donc sur notre langue ? « Oui, mais pas seulement, complète Loïc Briand. Nous y avons certes des récepteurs, mais nous savons aujourd’hui qu’il y en a aussi dans l’intestin. Notre appétence pour les féculents ne vient pas que de notre langue — essayez donc de manger de l’amidon pur, ça n’a pas de goût ! — mais sûrement aussi du bénéfice énergétique que nous tirons des féculents ».