Mardi 12 janvier, Sandrine Hurel, ancienne députée socialiste, a rendu son rapport sur la politique vaccinale commandité en mars 2015 par le Premier ministre. Dans la foulée, Marisol Touraine, ministre de la Santé, a annoncé un plan d’action reprenant une bonne partie des 20 recommandations préconisées. Il s’agit de rétablir la confiance des Français dans la vaccination largement entamée depuis plusieurs années par une gestion maladroite, notamment concernant l’hépatite B dans les années 1990, puis la grippe A (H1N1), en 2009.
Plus d’un tiers des Français n’ont plus confiance dans les vaccins, ce qui constitue un véritable enjeu de société. Chez les bébés de 0 à 9 mois, selon une enquête de l’Institut national de veille sanitaire (InVS), la couverture vaccinale a diminué d’environ 5 % entre 2014 et 2015. Une baisse préoccupante concernant le vaccin hexavalent qui protège contre six maladies, notamment, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche, ainsi que le vaccin Prevenar, contre la pneumonie à pneumocoques. Or une couverture vaccinale supérieure à 90 % est nécessaire pour que la population soit protégée de ces infections particulièrement virulentes. Par ailleurs, les autorités sanitaires constatent la résurgence de maladies que l’on croyait presque disparues en Europe comme la rougeole. Elle a provoqué en France plus de 900 pneumopathies graves et 26 encéphalites ainsi que 10 décès entre 2008 et 2011. 

L’obligation sur la sellette

Le débat sur la levée de l’obligation de vacciner est donc lancé. Il existe en effet en France une distinction – qui n’existe nulle part ailleurs en Europe – entre « vaccins obligatoires » et « vaccins recommandés ». C’est ce qui contribue, selon les experts, au manque de cohérence de la politique vaccinale française. Seulement trois vaccins, regroupés au sein du DTP, sont obligatoires : diphtérie, tétanos et poliomyélite. Pourtant, les maladies dont le vaccin n’est pas obligatoire présentent parfois un bilan plus lourd. L’hépatite B et les infections à papillomavirus humains (HPV) sont respectivement responsables en France d’environ 1 300 décès par an selon le Haut conseil de la santé publique (HCSP).
En outre, l’obligation vaccinale en France pose problème. En effet, les vaccins trivalents (DTP) ne sont plus disponibles depuis 2008. Ce qui contraint les parents à vacciner leurs enfants avec l’hexavalent. C’est d’ailleurs ce qu’a fait valoir un couple condamné à deux mois de prison avec sursis, le 7 janvier, par le tribunal correctionnel d’Auxerre, pour avoir refusé de vacciner leurs deux enfants.

Débat citoyen

« Informer, coordonner, sécuriser l’approvisionnement et débattre : ce sont les quatre axes de ce plan », annonce Marisol Touraine. Mais avant tout, la ministre de la Santé compte regagner la confiance des citoyens. Au cœur du dispositif, l’idée d’une grande « concertation nationale » sur le sujet est retenue. 
Ce débat citoyen se déroulera en trois temps sous la direction du professeur Alain Fischer, spécialiste en immunologie pédiatrique et professeur au collège de France. Un site web participatif sera ouvert en mars. Et dès le mois de mai, les contributions et propositions recueillies seront analysées par trois jurys. En octobre, les avis des jurys et la concertation citoyenne seront rendus publics. Les conclusions en seront tirées en décembre par un comité d’orientation.
Plusieurs scénarios peuvent déjà être envisagés, comme notamment celui de la fin de l’obligation vaccinale déjà proposé par le Haut conseil de la santé publique. Cette décision serait alors assujettie à une surveillance du taux de couverture et à un contrôle renforcé des vaccinations comme en Belgique, où l’instauration d’un certificat est obligatoire uniquement lorsqu’un enfant entre en collectivité. A contrario, son maintien ou un maintien de l’obligation avec une révision de la liste des vaccins est aussi envisageable. « Ça ne sera pas facile », gage Sandrine Hurel qui elle-même ne tranche pas la question dans son rapport. Si de nombreux experts vont dans le sens d’une recommandation – qu’ils considèrent comme suffisante – ils estiment aussi que le risque d’ouvrir la voie aux anti-vaccins n’est pas négligeable.

Contrer les messages anti-vaccins

Par ailleurs, les autorités comptent accroître leur présence sur le web et particulièrement les réseaux sociaux pour informer plus efficacement les citoyens et contrer ainsi les messages anti-vaccins très présents sur le Net. Ce qui rejoint une autre partie du plan : mieux informer et former les médecins, maillon indispensable pour rassurer les patients qui doutent. Paradoxalement, les médecins et les professionnels de santé, comme l’indique le rapport, ne se sentent pas suffisamment armés pour répondre à leurs interrogations.

Lutter contre la pénurie

Outre ces mesures phares, le plan propose la mise en œuvre d’autres actions à court terme : un carnet de vaccination électronique pour un meilleur suivi vaccinal, mais surtout une gestion des pénuries des vaccins plus efficiente via la constitution de stocks par les laboratoires. La création d’un « comité des parties prenantes » regroupant experts, médecins et usagers « pour éclairer la décision publique en matière de vaccination » et d’autre part, le renforcement de l’indépendance du Comité technique des vaccinations rattaché dorénavant à la haute autorité de santé complètent le dispositif.