Protéger du braconnage les rhinocéros du parc Kruger, en Afrique du Sud est un véritable casse-tête. Malgré les 74 millions de dollars investis entre 2017 et 2023 et l’arrestation de plus de 700 criminels, près de 2 000 rhinocéros ont encore été victimes de ce commerce illégal. Globalement, l’augmentation des dépenses semble n’avoir eu qu’un faible impact sur le braconnage. Les efforts sont pourtant manifestes : multiplication des patrouilles de rangers, recours à des chiens pisteurs, installation de clôtures et de caméras de détection, et mise en place de contrôles d'accès. Plus de 5 000 entretiens ont été menés avec des détecteurs de mensonge pour tenter d’identifier, parmi le personnel du parc, les informateurs des filières très rentables du braconnage. Suite à quoi 129 personnes ont dû démissionner. Dans un contexte de pauvreté, d’instabilité politique, de corruption, le braconnage reste, malgré les risques, attirant. Lorsqu’ils sont arrêtés et jugés, les braconniers sont souvent libérés sous caution, et sont nombreux à récidiver. Parmi toutes les stratégies mises en œuvre, la seule efficace a été l’écornage, car ce sont les cornes qui attisent la convoitise avec un prix de revente au marché noir proche de 50 000 euros le kilo. Contrairement aux braconniers qui achèvent l’animal, l’opération supervisée par un vétérinaire est rapide et inoffensive : en 20 minutes, le rhinocéros est endormi, ses deux cornes sont coupées au-dessus du point de repousse à l’aide d’une tronçonneuse, puis l’animal est réveillé. Comme ces cornes sont principalement constituées de kératine, elles repoussent. L’opération doit donc être répétée tous les 18 mois environ. Entre 2017 et 2023, 7 réserves du Parc Kruger ont entrepris de décorner les 2284 rhinocéros de leur territoire. Le braconnage a alors chuté de près de 80% dans les réserves concernées et ces campagnes n’ont mobilisé que 1,2% du budget total. Pour les chercheurs qui publient ces résultats dans la revue Science, cette stratégie est donc la plus probante, même si elle n’est pas imparable. Le braconnage s’est sans doute déplacé vers d’autres régions du Parc et même dans les réserves concernées, il n’a pas totalement disparu, car les braconniers ont continué de cibler les rhinocéros écornés en s’attaquant aux souches et aux repousses de corne. L’écornage régulier est donc indispensable. Quant aux rhinocéros eux-mêmes, une étude récente a montré que la coupe de leurs cornes les rendait moins aventureux et moins belliqueux, mais elle n’affectait ni leur survie, ni la croissance de leur population.
Réalisation :
Caroline Ando
Production :
Universcience
Année de production :
2025
Durée :
2min44
Accessibilité :
sous-titres français