- On vit une période extrêmement intéressante d'un point de vue médical, parce qu'on a accès à des nouvelles molécules comme l'Ozempic, le Wegovy qui ont des effets qu'on ne pouvait pas obtenir auparavant, en particulier une amélioration de l'équilibre du diabète, de l'obésité, avec également des effets extrêmement favorables au niveau cardiaque et rénal. L'obésité et le surpoids touchent aujourd'hui un tiers de la population mondiale et pourraient dépasser 50 % d'ici 2035. Une des solutions pour lutter contre cette épidémie : les analogues du GLP-1, hormone naturelle à l'origine de traitements innovants tels qu'Ozempic, Wegovy, Mounjaro et Zepbound. Initalement développés pour traiter le diabète de type 2, certains de ces médicaments ont ouvert la voie à une révolution dans la lutte contre l'obésité. Leur efficacité inédite suscite espoirs et débats. Peuvent-ils transformer durablement la prise en charge de ces maladies et améliorer des millions de vies ? Le GLP-1 est une hormone naturelle clé qui régule le taux de sucre dans le sang et l'appétit. - C'est une hormone fabriquée par tout humain même dans l'espèce animale, c'est aussi fabriqué et c'est sécrété, en général quand on mange. C'est au moment des repas que dans l'espèce humaine, on sécrète du GLP-1 au niveau de son tube digestif. C'est donc des hormones fabriquées par des cellules endocrines du tube digestif et qui vont avoir, entre autres, comme effet de stimuler la sécrétion d'une hormone qui s'appelle l'insuline par le pancréas au moment des repas. Voilà quel est l'effet principal du GLP-1 en physiologie. Alors effectivement, à partir de cette hormone GLP-1, les pharmacologues ont construit une molécule qui est un analogue du GLP-1 humain, c'est-à-dire une molécule modifiée. Certains acides aminés ont été modifiés et ça a plusieurs effets intéressants. D'abord, c'est un effet retardé, c'est-à-dire que quand on prend les molécules que vous avez citées, comme l'Ozempic pendant une semaine, cette molécule continue à avoir son effet et ça a l'effet du GLP-1 mais multiplié par 10. C'est dix fois plus puissant que le GLP-1 fabriqué par n'importe quel individu en bonne santé, par toute personne. Et quand on les prend, ça a des effets très favorables sur le diabète puisque ça stimule la sécrétion d'insuline qui est en général déficiente chez les personnes vivant avec un diabète. Et par ailleurs, et c'est un effet très recherché, ça permet d'obtenir une réduction pondérale, parce que ça diminue la sensation de faim. Les médicaments précédents pour le diabète avaient des effets indésirables. Ils amélioraient l'équilibre du diabète, mais étaient souvent associés à une augmentation du poids ou à d'autres effets indésirables qui ne sont pas présents dans ces nouvelles molécules, en particulier les hypoglycémies. Mais ces traitements, comme tout médicament, ne sont pas exempts d'effets secondaires. - Ces molécules sont associées souvent à des nausées et des vomissements qui sont assez fréquents et qui peuvent être à l'origine d'une demande d'arrêt par le patient. Il y a eu quelques effets qui ont été rapportés, notamment au niveau du pancréas, avec des risques de pancréatite, voire certains ont rapporté des cancers du pancréas. Mais aujourd'hui, on n'est pas certain qu'il y ait un lien causal entre la prise de ces médicaments et ces effets indésirables graves. Donc on est prudent. Chez des patients qui ont des maladies du pancréas, on ne propose pas ces molécules, mais dans la très grande majorité des cas, on peut proposer ces molécules lorsqu'il y a une bonne indication. C'est une molécule qui doit être prescrite par des médecins parce qu'il y a des indications précises. Il y a une modalité de prescription qui est particulière, de manière à prévenir les effets indésirables, notamment d'ordre digestif. En outre, la popularité croissante, notamment sur les réseaux sociaux, de ces médicaments favorisant la perte de poids, ouvre la porte à de véritables mésusages, avec des conséquences sur les patients diabétiques pour qui ces traitements sont vitaux. - Une des raisons qui a fait les choux gras des réseaux sociaux, c'est qu'il y a eu beaucoup de personnes dans le monde entier qui ont eu accès à ces molécules dans un but d'obtenir une perte de poids alors qu'il n'y avait pas réellement d'indications. Et donc ça a donné lieu à une pénurie pour les patients qui en avaient réellement besoin, en particulier ceux qui avaient un diabète, une obésité avec des complications cardiaques. À cela s'ajoute le coût élevé de ces traitements. Bien qu'autorisés en France, Ozempic depuis 2017, Wegovy et Mounjaro depuis fin 2024, ils restent inaccessibles pour beaucoup. Ozempic est remboursé uniquement pour les diabétiques de type 2, tandis que Wegovy et Mounjaro ne bénéficient à ce jour d'aucune prise en charge par la sécurité sociale. - Dans le contexte actuel, le coût est toujours un problème, mais il faut juger ce coût au regard du rapport coût efficacité. Et vu les effets très favorables de ces nouvelles molécules, le rapport coût efficacité me semble favorable. Autre limite, les effets bénéfiques ne se maintiennent que tant que le traitement est poursuivi. Les premiers analogues du GLP-1 furent prescrits fin des années 2000, donc aux alentours des années 2010, à peu près. Donc on a maintenant une quinzaine d'années de recul et on voit que l'effet à long terme est favorable. Notamment, on a réalisé qu'il y avait des effets favorables au niveau cardiaque et rénal. Donc au-delà même du poids et du diabète, ça protège les organes et ça rallonge la survie dans certains cas. Donc l'effet à long terme est très favorable. En revanche, il apparaît que lorsqu'on arrête le traitement, les effets favorables s'arrêtent. Donc il n'y a pas de pérennisation des effets après arrêt de la molécule. Et surtout, l'efficacité de ces molécules ne doit pas faire oublier, pour le diabète comme l'obésité, la nécessité d'une prise en charge globale. - La prise en charge du diabète va au-delà du traitement de la glycémie et de l'obésité. C'est une problématique globale qui concerne aussi les facteurs de risques vasculaires, comme l'hypertension artérielle, le tabagisme, l'hypercholestérolémie. Autant de facteurs qui vont participer, avec le diabète et l'obésité, à aggraver le pronostic notamment le pronostic cardiovasculaire des patients. Donc il s'agit d'une prise en charge globale qui passe par des règles hygiéno-diététiques, une activité physique régulière, une diététique saine, un arrêt du tabac. La recherche ne s'arrête pas là. De nouvelles molécules comme le Tirzepatide, plus connu sous les noms de Mounjaro ou Zepbound sont déjà sur le marché. Ce principe actif va encore plus loin en ciblant plusieurs récepteurs simultanément, ce qui améliore encore davantage la perte de poids et le contrôle de la glycémie. - Ces nouvelles molécules, comme le Tirzepatide, sont des médicaments qui associent du GLP-1, comme le Wegovy et le Sémaglutide à d'autres incrétines qui s'appellent, par exemple, Gip. L'association de ces différentes hormones du tube digestif vont avoir un effet qui est encore plus puissant que celui des générations précédentes. Donc on a affaire à une nouvelle génération de molécules qui vont avoir les effets favorables du GLP-1 mais de manière beaucoup plus puissante et efficace, à savoir une diminution du diabète qui est encore plus efficace et une diminution pondérale qui peut être le double de celle obtenue avec les anciennes molécules comme le Wegovy. Alors par exemple, on peut espérer une réduction pondérale avec le Wegovy qui peut être de l'ordre de 5 à 10 kilos. Évidemment, ça dépend des patients. Mais avec le Tirzepatide, on peut espérer parfois une réduction pondérale qui peut être de l'ordre de 20 à 30 kilos, ce qui est considérable. Au-delà de la perte de poids, les analogues du GLP-1 et les nouvelles molécules pourraient avoir des effets positifs sur d'autres maladies chroniques telles que l'insuffisance cardiaque, les maladies du foie et même certaines maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson. - Le GLP-1 protège la santé cardiaque chez des patients qui ont déjà eu des accidents cardiaques. Quelqu'un qui a fait un infarctus, qui prend un agoniste GLP-1, comme le Wegovy, va limiter, réduire le risque de récidive de maladie cardiaque. Il y a également un autre effet intéressant du Wegovy et de l'Ozempic, ça concerne le rein. Vous savez que le diabète est associé à une insuffisance rénale. On appelle ça la maladie rénale chronique qu'on ne sait pas bien ralentir. Ça évolue, en général. Chez certains patients, ça peut aller jusqu'à la dialyse. On s'est rendu compte que ces nouvelles molécules, le GLP-1 en particulier, ralentissaient l'évolution de la maladie rénale chronique. C'est donc néfroprotecteur et on a observé ces effets bénéfiques au-delà même du diabète. Ainsi ces molécules peuvent être efficaces, même chez des patients non diabétiques. Ces effets protecteurs sur le coeur et le rein, on ne sait pas encore si les nouvelles molécules, comme le Tirzepatide, auront les mêmes effets bénéfiques. Et on a également des premières observations qui indiqueraient que ces nouvelles molécules, notamment les agonistes GLP-1, pourraient avoir des effets protecteurs sur le cerveau notamment la maladie de Parkinson et les dysfonctions cognitives. Dans quelques années, il y aura une nouvelle molécule qui est encore plus puissante que le Tirzepatide qui associe cette fois non pas deux protéines d'origine digestive, mais trois. Donc il s'agira d'un triagoniste qui associe GLP-1, GIP et une troisième molécule qui s'appelle le Glucagon. Et il a été démontré que ce triagoniste, cette nouvelle molécule pas encore disponible aujourd'hui, est encore plus puissante que le Tirzepatide. Si les analogues du GLP-1 représentent une avancée considérable dans le traitement du diabète, de l'obésité et d'autres pathologies, il est essentiel de poursuivre la recherche pour mieux comprendre leurs effets à long terme, notamment les effets secondaires et garantir un accès équitable pour tous les patients. Le chemin est encore long, mais ces découvertes pourraient déjà changer la donne pour des millions de personnes dans le monde.