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Les projets de production de combustibles fossiles de par le monde ne sont pas compatibles, et de loin, avec les objectifs de l’accord de Paris sur le climat, confirme mercredi le dernier rapport sur l'"écart de production" réalisé par plusieurs instituts de recherche de premier plan et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Crédits Pixabay

Saviez-vous que les côtes du nord de l’Europe et des États-Unis deviennent des lieux à risque à des crises sanitaires ? Le changement climatique ces milieux deviennent plus propices à des bactéries qui provoquent des gastro-entérites, mais aussi de plus graves infections, ou des septicémies.

C’est une des conclusions de l’édition 2021 du Lancet Countdown, le « Compte à rebours ». Ce rapport est une publication de référence traitant des effets du changement climatique sur la santé réalisé par plus de 86 experts du monde entier. Il alerte notamment sur la nécessité « d’agir de toute urgence pour intégrer la lutte contre le changement climatique dans les plans de relance COVID-19 ». Les scientifiques appellent à une « alerte rouge » après avoir mis en évidence des risques croissants pour la santé et le climat.

Parmi les enseignements de l’étude, on apprend notamment que les systèmes de santé sont mal préparés aux chocs sanitaires actuels et futurs induits par le climat. Seule la moitié des pays interrogés a déclaré en 2021 avoir effectué une évaluation des risques sanitaires liés au changement climatique. Seuls 8 des 45 pays analysés ont indiqué que leur évaluation des effets du changement climatique sur la santé de leurs citoyens avait influencé l’allocation des ressources humaines et financières. 

Face aux conséquences sur la santé des humains : un besoin urgent d’adaptation

De plus, les changements de climat font naitre de nouveaux risques pour les populations, même pour les pays développés. Par exemple, c’est dans les pays bénéficiant d’un indice de développement humain très élevé, notamment les pays européens, que les risques d’épidémies de dengue, de chikungunya et de Zika augmentent le plus rapidement. Le paludisme lui, augmente dans les zones montagneuses plus fraiches des pays à faible indice de développement humain.

« Alors que la crise de la COVID-19 se poursuit, chaque pays est confronté à un aspect ou l’autre de la crise climatique. Le rapport 2021 montre que les populations de 134 pays ont connu une augmentation de leur exposition aux incendies de forêt. Des millions d’agriculteurs et d’ouvriers du bâtiment ont perdu des revenus parce que, certains jours, il fait trop chaud pour qu’ils puissent travailler. La sécheresse est plus répandue que jamais, » alerte professeur Anthony Costello, directeur exécutif du Compte à rebours du Lancet. « Le rapport du Compte à rebours du Lancet comporte plus de 40 indicateurs et beaucoup trop d’entre eux sont au rouge. »

En parallèle, la température moyenne de surface de la mer a augmenté dans les eaux territoriales de près de 70 % des pays côtiers analysés, par rapport à la période 2003-2005. Il s’agit d’une menace croissante pour leur sécurité alimentaire d’origine marine. Dans le monde, 3,3 milliards de personnes dépendent de ressources alimentaires d’origine marine. 

Le changement climatique menace d’accélérer l’insécurité alimentaire, qui a frappé 2 milliards de personnes en 2019. La hausse des températures raccourcit la période pendant laquelle les plantes atteignent leur maturité, ce qui se traduit par des rendements plus faibles et une pression accrue sur nos systèmes alimentaires.

L’accord de Paris sur le climat torpillé par les plans de relance basés sur les énergies fossiles

Les auteurs du rapport regrettent que les nombreux plans actuels de relance COVID-19 continuent à subventionner les combustibles fossiles malgré leurs effets néfastes sur le climat et au détriment des conséquences sanitaires que cela va engendrer. La relance actuelle attribue effectivement d’importantes subventions au pétrole, au gaz et au charbon et alloue un soutien financier limité aux énergies propres. Si ces plans de relances peuvent permettre d’atteindre des objectifs économiques limités et à court terme, ils risquent ensuite de faire « dévier irrévocablement le monde de sa trajectoire en rendant impossible » le respect du seuil de réchauffement maximal de 1,5 °C prévu par l’Accord de Paris. 

Selon un rapport de l’ONU sorti cette semaine, depuis le début de la pandémie de Covid-19 début 2020, les pays du G20 ont affecté environ 300 milliards de dollars de financements vers les énergies fossiles, plus que vers les renouvelables.  Les prévisions pour 2030 de production pour l’ensemble des énergies fossiles sont même plus de deux fois supérieures (soit 110 %) à celle compatible avec une limitation du réchauffement à +1,5 °C. Elles sont même 45 % de plus supérieures que ce qui est requis pour maintenir un réchauffement à +2 °C.

En 2018, 65 des 84 pays analysés par les chercheurs du Compte à rebours du Lancet avaient un prix du carbone net négatif, équivalent à un subventionnement global des combustibles fossiles. La valeur médiane de la subvention était de 1 milliard de dollars, certains pays accordant des subventions nettes aux combustibles fossiles s’élevant à des dizaines de milliards de dollars chaque année. Les 84 pays étudiés sont responsables d’environ 92 % des émissions mondiales de CO2.

Les pays ne se préparent pas aux risques sanitaires liés au réchauffement

« C’est notre santé qui paye qui le prix de l’inaction face au réchauffement climatique. Ce rapport nous montre tout ce qu’on a à gagner en prenant des décisions ambitieuses pour le climat : un air plus pur, une baisse des coûts en santé publique, et une société en meilleure santé, plus forte et équitable ? L’argument de la santé pour agir contre le climat n’a jamais été aussi clair. Alors qu'est-ce qu’on attend? » déclare la docteure Maria Neira, de l’OMS.

En 2021, l’Organisation mondiale de la Santé a constaté qu’un peu plus de la moitié des pays ayant répondu à l’enquête mondiale sur la santé et le changement climatique (37 sur 70) avaient mis en place une stratégie nationale en matière de santé et de changement climatique. Soit une proportion similaire à celle de 2018. 

Quant au financement destiné aux systèmes de santé pour faire face au changement climatique, il ne représente que 0,3 % du financement total de l’adaptation au réchauffement.