Image légendée
Embryon humain à quatre cellules © Dr Elena Kontogianni / Wikimedia Commons

Une série d’expériences utilisant l’outil d’édition génétique Crispr-Cas9 pour modifier des embryons humains montre que ce processus peut apporter des modifications importantes et non souhaitées au génome, sur le site cible ou à proximité. 

Elles sont rapportées dans trois études publiées ce mois-ci sur la plateforme bioRxiv, réservée à la mise en ligne d’articles avant leur publication dans des revues. Dans un article en date du 25 juin, Nature en retrace les principales conclusions, en soulignant que « prises ensemble, elles donnent aux scientifiques un bon aperçu d’un risque peut-être sous-estimé de l’édition par Crispr-Cas9 ».

Ces résultats nourriront sans aucun doute le débat sur l’opportunité – médicale et éthique – de procéder à des modifications sur le génome humain pour prévenir certaines maladies génétiques. De telles modifications sont aujourd’hui vivement controversées, car elles créeraient une modification permanente du génome susceptible d’être transmise de génération en génération. Dans une métaphore éloquente citée par Nature, le scientifique Fyodor Urnov, du département de biologie moléculaire et cellulaire à l’université de Berkeley, explique : « Si l’édition d’embryons humains à des fins de reproduction ou d’édition de la lignée germinale était un vol spatial, les nouvelles données équivaudraient à faire exploser la fusée sur la plateforme de lancement avant le décollage ». 

Les premières expériences d’édition du génome sur des embryons humains par Crispr-Cas 9 remontent à 2015. Mais de telles études sont encore rares. Or on ignore encore comment les embryons humains réparent l’ADN coupé par les outils d’édition.

Le premier des trois articles a été mis en ligne le 5 juin par la biologiste du développement Kathy Niakan, de l’institut Francis Crick de Londres, et ses collègues. L’équipe rapporte avoir apporté des modifications – avec l’outil Crispr-Cas9, donc – au gène POU5f1, qui est important pour le développement embryonnaire. Sur 18 embryons dont le génome a été modifié, un cinquième a présenté des modifications indésirables affectant de grandes parties de l’ADN – des suppressions de plusieurs milliers de lettres – autour du gène POU5F1 : « soit beaucoup plus que ce que les chercheurs utilisant cette approche ont l’habitude de prévoir », souligne l’article de Nature.

Un autre groupe, dirigé par le biologiste Dieter Egli, de l’université de Columbia à New York, a étudié des embryons créés avec du sperme porteur d’une mutation provoquant la cécité, dans un gène appelé EYS2. L’équipe a utilisé Crispr-Cas9 pour tenter de corriger cette mutation, mais la moitié des embryons testés a ainsi perdu de larges segments du chromosome, et parfois le chromosome entier portant le gène ciblé, rapporte l’étude

Le troisième groupe, enfin, dirigé par le biologiste Shoukhrat Mitalipov de l’université de sciences et santé de l’Oregon à Portland, a étudié des embryons fabriqués à partir de sperme présentant une mutation impliquée dans des problèmes cardiaques. Là encore, l’édition Crispr-Cas9 a affecté de grandes régions du chromosome contenant le gène muté, rapportent les chercheurs. 

Naturellement, ces expériences ont eu lieu exclusivement à des fins scientifiques, et non pour générer des grossesses. La rédaction de Nature n’a pu obtenir davantage de détails, car les auteurs principaux des trois textes attendent désormais une publication en bonne et due forme dans une revue à comité de lecture.