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Vue aérienne de la ville de Yeruham, en Israël © AFP MENAHEM KAHANA

À Yeruham, petite ville perdue entre les dunes du désert israélien du Néguev, il n'y a ni gratte-ciel, ni cafés branchés comme dans la métropole hightech de Tel-Aviv, mais le premier incubateur technologique de cannabis médical du pays.

Tel un mirage, l'incubateur Canneguev se dresse sur la route principale, dans un bâtiment ultramoderne qui fait face au désert, dans un contraste saisissant. Il dénote aussi des blocs d'immeubles à bas étages typiques des villes créées dans les années 50 en Israël pour absorber l'afflux d'immigrants.

« Nous avons décidé de faire du cannabis médical le cœur de notre activité, ici, à Yeruham, une des villes les plus périphériques d'Israël, une ville oubliée », confie le fondateur de Canneguev, Ziv Bet Or, dans le laboratoire de l'incubateur qui héberge quatre startups.

« Mon rêve est de faire de Yeruham la capitale du cannabis médical en Israël », déclare à la maire, Tal Ohana, 37 ans, à l'origine du projet. « Ce n'est pas tous les jours qu'un nouveau marché voit le jour en Israël, je me suis dit qu'il fallait tout faire pour être à l'avant-garde ».

Élue en 2018 à la tête de cette localité de 12000 habitants, elle mise sur l'industrie technologique pour transformer l'image de Yeruham dont le taux de chômage (7,8%) est supérieur à la moyenne nationale. « Mon objectif est de créer des emplois de qualité » et de proposer des revenus élevés pour attirer une nouvelle population d'actifs, explique-t-elle.

La consommation récréative de cannabis est illégale en Israël, quoique souvent tolérée, mais l'État encourage depuis une dizaine d'années son usage thérapeutique pour traiter un certain nombre de maladies graves, dégénératives ou encore le stress post-traumatique chez les militaires. Et les recherches dans le domaine du cannabis thérapeutique sont à la pointe de ce qui se fait dans le monde.

En octobre, le Parlement a approuvé en lecture préliminaire un projet de loi visant à assouplir l'industrie du cannabis, pour en faciliter l'accès et favoriser l'essor d'un marché florissant qui attire de plus en plus d'entrepreneurs en Israël parmi lesquels des figures politiques comme les ex-Premiers ministres Ehud Olmert, conseiller spécial de la firme Univo, et Ehud Barak, président de la société InterCure.

« L'écosystème du cannabis médical a bénéficié de 60 millions de dollars (environ 53 millions d'euros) d'investissements ces dernières années, il compte 220 chercheurs et environ 100 startups dont un quart ont été créées en 2019 », souligne Dana Gourevich, directrice de la technologie à l'Autorité israélienne de l'innovation.

L'importation massive notamment du Canada, pays ayant légalisé le cannabis récréatif, a permis au secteur de se développer, poursuit-elle. Selon les données du ministère de la Santé, l'État hébreu a importé 22 tonnes de cannabis médical en 2021 (contre un peu plus de 14 tonnes en 2020), ce qui en fait le premier importateur mondial, note le Israeli Cannabis Magazine. En revanche, l'exportation, autorisée en théorie, est aujourd'hui limitée en raison du processus de standardisation aux normes internationales, souligne Dana Gourevich.

CBD pour tous

Il y a quelques semaines, le ministère de la Santé israélien a indiqué examiner la possibilité de retirer le cannabidiol (CBD) de la liste des drogues dangereuses, une mesure attendue par les acteurs du marché qui pourront alors commercialiser des produits contenant cette substance à plus large échelle.

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Dvir Taler, agronome en chef de B.O.L Pharma © AFP MENAHEM KAHANA

« Environ 110000 patients ont des licences (pour du cannabis médical) aujourd'hui en Israël, mais lorsque le CBD sera accessible à tous, des millions de personnes pourront l'utiliser dans des produits cosmétiques et du quotidien », espère Dvir Taler, 50 ans et agronome en chef de B.O.L Pharma. Dans le sud d'Israël, près de la ville d'Ashdod, B.O.L Pharma fait pousser chaque année sur 3,5 hectares 400 000 plants de cannabis destinés exclusivement à un usage thérapeutique. 

L'entreprise, la plus importante à l'heure actuelle dans le domaine du cannabis médical en Israël, est partenaire de l'incubateur de Yeruham auquel elle fournit notamment les fleurs pour les diverses expériences scientifiques.

Dans l'espoir de devenir le centre incontournable de l'or vert en Israël, la mairie de Yeruham a aussi alloué 50 hectares à la culture du cannabis médical, soutenant que le climat ensoleillé du désert israélien était idéal. Et deux usines fabriquant des produits non médicaux à base de cannabis s'installeront à Yeruham dans les prochaines années.