Comment être au top de sa forme le jour d'une compétition ? Comment maintenir un haut niveau d'entraînement sans s'épuiser les semaines qui précèdent ? Voilà les questions auxquelles veulent répondre les chercheurs du laboratoire MOVE, pour "Mobilité, vieillissement et exercice", de l'université de Poitiers. Emma : 42'9. En place, et hop ! Dans la perspective des JO 2024, ils ont lancé l'ambitieux projet de recherche, D-day, pour "Jour J". Allez hop ! Pour avoir un pic de performance, il faut jouer sur deux facteurs : l'état de forme et l'état de fatigue. L'idée, c'est de conserver l'état de forme le plus longtemps possible en essayant de réduire l'état de fatigue pour être optimal le jour J. Pour réduire cet état de fatigue, il y a la technique dite de l'affûtage qui consiste tout simplement à réduire la charge d'entraînement sur les deux semaines avant la compétition. Et cet affûtage permet de gagner 2% de performance. Cela vous semble peu ? Tout le monde reste en crawl ! En réalité, c'est davantage que ce qui sépare le champion olympique d'un nageur qui ne se serait même pas qualifié pour la finale. La médaille d'or se remporte au dixième de seconde près. Pour optimiser l'affûtage, un premier objectif : identifier des critères pertinents de mesure de la fatigue. Ce qui sera intégré, dans un second temps, au suivi des sportifs pour optimiser les dernières semaines qui précèdent les grandes compétitions. Durant deux ans, l'équipe de chercheurs suit près de 200 nageurs de toute la France, dont dix jeunes de Poitiers. Je vais bientôt avoir 17 ans et je suis en terminale. Je nage au stage poitevin depuis trois ans, depuis la seconde. Je m'entraîne 15 heures par semaine. J'ai trouvé ça super intéressant. Tout ce qu'on a fait pendant un an, c'était savoir si on était un nageur fatigué ou pas... Et moi, j'étais pas fatiguée. Emma, comme les autres nageurs, doit se plier à plusieurs exercices. Un test de nage de six minutes, avec la mesure de la fréquence cardiaque pendant l'exercice et quelques minutes après. En y ajoutant la fréquence cardiaque au repos, prise par les jeunes chaque matin au réveil, les chercheurs établissent le profil cardiaque de chacun d'eux. Place ensuite au second test, dit de "nage attachée", grâce à un dispositif spécialement mis au point par l'équipe poitevine. Aucun système au monde ne permet de mesurer la force en nage réelle. Donc on a développé un système de mesure de force en nage attachée complète. C'est-à-dire qu'on attache le nageur à un câble indéformable qui est relié à un capteur de force. Derrière, on a la force moyenne du nageur. Mets-le bien. OK. En place. Bras tendus. Tête dans l'eau. Hop ! Très bien. - OK ! Il y a Ambre. Après, Maëlle... Après, il y aura Juliette. Et après, Alice. On aimerait équiper chaque entraîneur de bon niveau de cet outil en nage attachée. Il faut qu'à terme, ce soit un outil d'entraînement. C'est un indicateur d'évolution de progrès en force propulsive dans l'eau. Les données sont récupérées par le dispositif et directement envoyées par Wifi sur l'ordinateur du chercheur, pour analyse. Chaque petit pic qu'on voit à l'écran correspond à la force qu'elle génère en mettant un coup de bras. Bras droit, bras gauche. Bras droit, bras gauche. Cet essai a une durée de 30 secondes. L'idée, c'est de voir comment évolue la force qu'elle est capable de générer, parce qu'en fait elle va se fatiguer et donc logiquement la force moyenne qu'elle est capable de produire va chuter au cours de cet essai de 30 secondes. L'équipe recourt aussi à des enregistrements vidéo des nageurs pour analyser l'efficacité de leurs gestes. Notre logiciel reconstruit le mouvement à partir des six caméras, avec une approche dite "deep learning" d'apprentissage intelligent et on arrive à voir les mouvements des segments des nageurs, pour comprendre comment le nageur a généré autant de force. Instrumenter un nageur, donc mettre des marqueurs sur le nageur, c'est long, c'est contraignant. Nous, on a fait le choix d'entraver le moins possible les nageurs. Ces informations sont directement utiles à l'entraînement des jeunes sportifs. Ce que j'aime dans ce genre de projet, c'est d'avoir des réponses assez rapides et que je puisse mettre ça en relation avec la charge d'entraînement. On n'a pas vraiment une lecture claire de "Je fais de la muscu, je gagne en force hors de l'eau, et est-ce que j'arrive à l'employer dans l'eau, dans un milieu différent ?" Mesurer un peu les différences entre bras droit et bras gauche, ça me permet, en muscu, de corriger éventuellement des choses ou de travailler sur la posture. Toutes ces données combinées permettent à l'équipe d'élaborer une sorte d'indicateur de fatigue et donc de tester de manière mesurable des méthodes de récupération. Et pour améliorer la qualité du sommeil, place à la cryostimulation ou récupération par le froid, une technique dont l'efficacité reste à prouver. On a un premier sas à moins 25 degrés et un second sas à moins 55 degrés, mais le ressenti est de moins 100 degrés grâce au mécanisme de ventilation. OK, super. Tu peux faire demi-tour. Encore 10 secondes et tu pourras sortir. Ça a un effet de sensation de bien-être. Chez les sportifs, ça va aider à réduire la sensation de courbature musculaire. Ça a aussi un effet anti-inflammatoire. On teste un protocole de cryostimulation répétée au cours d'une semaine et on regarde les effets sur le sommeil. Mais l'intérêt de l'équipe pour le sommeil est bien plus large. On a ce type d'appareil. C'est un bandeau de sommeil connecté que les athlètes portent toutes les nuits qui nous permet d'avoir une idée du temps d'endormissement, du nombre de réveils pendant la nuit, entre autres. Vous avez en plus un accéléromètre. C'est mis au poignet et ça permet en complément du bandeau d'avoir un retour sur la qualité et la quantité de sommeil. Les jeunes athlètes remplissent en outre des questionnaires sur la qualité de leur sommeil, mais aussi sur l'évolution de leur humeur : état d'anxiété, vigueur ou fatigue. Ainsi, toutes les données recueillies, objectives et subjectives, sont parfaitement personnalisées. Pour les garçons, comme pour les filles. Ce qui signifie qu'est aussi pris en compte le cycle menstruel avec les désagréments qu'il occasionne. J'ai du mal des fois dans l'eau. Je peux être plus fatiguée. Je peux avoir des problèmes de jambes lourdes, de mal de dos. C'est vrai que si la recherche peut améliorer ça, ça peut être que bénéfique. Le staff médical de l'équipe de France utilisera d'ailleurs ces informations pour réduire l'impact du cycle sur les nageuses avant les JO. Entraîneurs et scientifiques pourront ainsi élaborer des stratégies individuelles d'affûtage à tester durant les prochaines compétitions. En espérant qu'ainsi, les nageurs et les nageuses arriveront aux JO de Paris au top de leur forme.