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Un héroïnomane à Philadelphie le 31 juillet 2017 © GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP SPENCER PLATT

Les overdoses ont précipité la première baisse majeure d’espérance de vie aux États-Unis depuis l’épidémie du sida au début des années 1990, selon des statistiques publiées mercredi. Les Américains ont perdu près de quatre mois d’espérance de vie depuis 2014.

« C’est la première grande baisse depuis 1993, à l’époque c’était principalement dû à l’épidémie du virus du sida », commente l’autrice principale du rapport, Renee Gindi, statisticienne du Centre national des statistiques de santé (NCHS). Un Américain né en 2017 pouvait espérer vivre 78,6 ans en moyenne, contre 78,9 ans en 2014, selon ce rapport qui confirme des chiffres publiés auparavant. Cela se traduit par près de quatre mois de moins. C’est certes bien plus élevé qu’à aucune autre période de l’Histoire. Jusqu’aux années 1960, l’espérance de vie était inférieure à 70 ans.

Mais la récente baisse illustre l’urgence de santé publique créée par les drogues et les opiacés, a fortiori les opiacés de synthèse, comme le fentanyl, dont quelques milligrammes, saupoudrés dans des comprimés imitant des médicaments et facilement envoyés par un vendeur dans une enveloppe, suffisent à tuer. 32.000 personnes en sont mortes l’an dernier, selon des chiffres provisoires.

Les États-Unis sont au 28e rang des pays de l’OCDE pour l’espérance de vie. La différence est de quatre années avec la France (82,6 ans). Les overdoses, mais aussi les suicides et la hausse du nombre de morts de la maladie d’Alzheimer, sont responsables de l’érosion de l’espérance de vie, qui est beaucoup plus marquée chez les hommes que chez les femmes.

Entre les années 1992 et 1993, au pic de l’épidémie du sida, l’espérance de vie avait brusquement baissé, de l’équivalent de ce qu’on a observé dans le pays ces dernières années. À l’époque, dit Renee Gindi, « ce fut retentissant, cela montra qu’il fallait s’occuper d’un problème qui, comme aujourd’hui, tuait des gens dans les groupes d’âges plus jeunes ».

Inégalités raciales

Les overdoses touchent tous les groupes d’âge, mais les plus touchés sont les 25 à 44 ans. En 2018, le nombre d’overdoses semblait se stabiliser aux États-Unis, selon des chiffres distincts et préliminaires publiés récemment par les Centres de contrôle et de prévention des maladies. Le chiffre exact de l’espérance de vie aux États-Unis pour l’année 2018 sera publié en novembre.

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Les overdoses aux Etats-Unis © AFP Simon MALFATTO

Le gouvernement américain compile des statistiques détaillées par « race » ou « origine », et les inégalités restent criantes, hier comme aujourd’hui. Les Noirs (74,9 ans) vivent trois ans et demi de moins que les Blancs (78,5 ans) et près de sept ans de moins que les Hispaniques ou Latinos (81,8 ans). Le « paradoxe hispanique » est que ces populations vivent plus longtemps, malgré un niveau socioéconomique plus bas que celui des Américains blancs. Des chercheurs ont suggéré que ce pourrait être lié à l’immigration, qui sélectionnerait les individus en meilleure santé.

Le rapport publié mercredi fait le point tous les ans sur les tendances de santé de long terme de la nation américaine. On y apprend par exemple que le nombre d’Américains vivant sans couverture maladie, après avoir baissé fortement durant le mandat de Barack Obama, est reparti à la hausse depuis 2016, l’année précédant l’arrivée au pouvoir du républicain Donald Trump. En 2018, 13,3 % des adultes américains et 5,2 % des mineurs étaient non assurés. On observe aussi que depuis une quinzaine d’années, un Américain sur dix prend au moins cinq médicaments sur ordonnance ; il s’agit principalement des sexagénaires et plus âgés. Mais parmi les 45-64 ans, les deux tiers prennent désormais au moins un médicament.