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Le patron de Spotify Daniel Ek en septembre 2016 à Tokyo, au Japon © AFP/Archives TORU YAMANAKA

Accusé de laisser le champ libre à la désinformation sur le Covid-19 dans ses podcasts, le géant suédois du streaming audio Spotify a annoncé des mesures dimanche pour tenter de répondre à la controverse croissante menée par la légende du folk rock Neil Young.

Le PDG et fondateur du numéro un mondial, Daniel Ek, a annoncé dans la soirée une série de mesures, dont l’introduction de liens dans tous ses podcasts évoquant le Covid, qui guideront ses utilisateurs vers des informations factuelles et scientifiquement sourcées. 

Une mesure effective « dans les prochains jours », a-t-il promis.

« Sur la base des retours que nous avons depuis ces dernières semaines, il est devenu clair pour moi que nous avions une obligation de faire plus pour fournir de l’équilibre et donner accès à une information largement acceptée des communautés médicales et scientifiques », a déclaré le milliardaire suédois dans un communiqué.

Spotify a également rendu publiques dimanche ses règles d’utilisation et affirme « tester des façons » de davantage signaler aux créateurs de podcasts « ce qui est acceptable », sans toutefois évoquer ouvertement de mécanisme de sanction ou d’exclusion.

Suffisant pour calmer le jeu ? C’est Neil Young qui avait initié le mouvement contre le groupe suédois, en lui demandant de cesser d’héberger le controversé, mais très écouté animateur américain Joe Rogan, numéro un des écoutes de podcasts sur Spotify l’an passé.

Ce dernier, dont le contrat signé avec le groupe suédois l’année dernière est estimé à 100 millions de dollars, est accusé d’avoir découragé la vaccination chez les jeunes et d’avoir poussé à l’utilisation d’un traitement non autorisé, l’ivermectine, contre le coronavirus.

Plus de 200 professionnels de santé américains avaient récemment tiré la sonnette d’alarme après qu’il eut reçu dans son émission un médecin très apprécié des anti-vaccins, Robert Malone. 

Faute d’obtenir gain de cause, Neil Young avait mis sa menace à exécution cette semaine. 

Dans un premier temps, Spotify s’était contenté d’exprimer ses « regrets » à propos du départ de la star américano-canadienne, dont le geste a été applaudi par le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus.

« Spotify est devenu un lieu de désinformation potentiellement mortelle sur le Covid. Des mensonges vendus contre de l’argent », avait accusé Neil Young. 

La polémique a continué à prendre de l’ampleur : vendredi, c’est une autre chanteuse culte à millions d’abonnés, la Canadienne Joni Mitchell, qui avait annoncé son retrait de la plateforme. En parallèle, sur les réseaux sociaux, naissait un mouvement de désabonnement à Spotify.

Le prince britannique Harry et son épouse Meghan Markle — qui ont signé avec la plateforme un accord estimé à 25 millions de dollars — ont fait savoir dimanche qu’ils avaient exprimé « leurs inquiétudes » à Spotify sur la question.

Depuis son émergence spectaculaire du rang de start-up stockholmoise à celui de leader mondial coté à New York, le fleuron suédois a déjà été régulièrement critiqué par les artistes sur les montants qu’il leur verse, même si son rôle dans le redressement de l’industrie musicale est salué.

En se développant à coups de centaines de millions de dollars dans les podcasts ces dernières années, l’entreprise de Daniel Ek, 38 ans, voit aussi ses responsabilités d’hébergeur de contenus s’étendre au-delà de la musique.

Le nouveau créneau à succès met les plateformes de streaming face à de nouvelles responsabilités sur la désinformation, à l’instar des réseaux sociaux comme Facebook.

L’an dernier, Daniel Ek avait jugé sur un podcast d’Axios (Re : Cap) que la plateforme n’avait pas de responsabilité éditoriale pour le contenu. « Nous avons aussi des rappeurs (…) qui font des dizaines de millions de dollars, voire plus, chaque année sur Spotify. Et nous ne leur dictons pas ce qu’ils doivent mettre dans leurs chansons », avait-il soutenu.

Les experts interrogés reconnaissent que la question du contrôle des contenus n’est pas simple, tant du point de vue de la liberté éditoriale que des millions d’heures de propos disponibles sur une plateforme.

Neil Young, victime alors qu’il était enfant d’une attaque de poliomyélite dont il a gardé des séquelles toute sa vie, s’est défendu de toute volonté de censure concernant le Covid-19.

« Je l’ai fait parce qu’au fond de mon cœur, je n’avais aucun autre choix », a-t-il écrit.

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Le chanteur Neil Young en juillet 2018 à Québec © AFP/Archives Alice Chiche