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Les trois lauréats du prix Nobel de physique (de g à d): l'Américano-japonais Syukuro Manabe, l'Allemand Klaus Hasselmann et l'Italien Giorgio Parisi apparaissent sur l'écran de l'Académie royale des sciences de Suède à Stockholm, le 5 octobre 2021 © AFP Jonathan NACKSTRAND

En pleine alarme sur le réchauffement planétaire, le Nobel de physique 2021 a sacré mardi deux vieux experts du réchauffement, l’Américano-Japonais Syukuro Manabe et l’Allemand Klaus Hasselmann, ainsi que l’Italien Giorgio Parisi, théoricien italien des phénomènes désordonnés.

C’est la première fois depuis 1995 et des recherches sur le trou de la couche d’ozone en chimie qu’un Nobel scientifique est remis à des travaux directement liés au climat – mais dans un contexte d’urgence complètement différent.

Syukuro Manabe, né au Japon il y a 90 ans, mais vivant à Princeton aux États-Unis, et Klaus Hasselmann, 89 ans et basé à Hambourg, ont été primés pour une première moitié du prix « pour la modélisation physique du climat de la Terre, pour en avoir quantifié la variabilité et prédit de façon fiable le réchauffement climatique », selon le jury. 

Le comité Nobel récompense ainsi les travaux fondateurs de Manabe sur l’effet de serre dans les années 1960, par lesquels il a montré que les niveaux de CO2 dans l’atmosphère correspondaient à la hausse des températures terrestres. 

Hasselman est lui célébré pour être parvenu à établir des modèles climatiques fiables malgré les grandes variations météorologiques, permettant de faire émerger une tendance du chaos quotidien.

Prédiction de 1988

Dès 1988, le chercheur allemand avait mis en garde contre un changement climatique « irréversible », a rappelé l’Institut allemand Max Planck où il travaillait.

« Dans 30 à 100 ans, selon la quantité d’énergie fossile que nous consommerons, nous ferons face à un changement climatique très significatif », avait prédit le chercheur il y a plus de 30 ans.

À un mois de la COP26, sommet mondial pour le climat organisé à Glasgow, la récompense aux deux experts en météorologie et climatologie aura nécessairement un fort écho politique.

« Les dirigeants mondiaux qui n’ont toujours pas compris le message, je ne suis pas sûr qu’ils vont le comprendre parce que nous le disons. Mais c’est un prix de physique et ce que nous disons c’est que la modélisation du climat est solidement basée en physique », a souligné Thors Hans Hansson, membre du comité Nobel.

Al Gore et les experts onusiens du GIEC de l’ONU sur le climat avaient remporté le Nobel de la paix en 2007. Le prix 2021 est le premier Nobel de physique pour des recherches climatiques.

Si l’autre moitié du prix de physique 2021 n’est pas directement liée au climat, la capacité à comprendre le désordre et les fluctuations est la spécialité du troisième lauréat, Giorgio Parisi, 73 ans et basé à Rome.

Ses travaux ardus ont été parmi « les contributions les plus importantes » à la théorie dite des systèmes complexes, a expliqué le jury Nobel. Ce dernier l’a récompensé « pour la découverte de l’interaction du désordre et des fluctuations dans les systèmes physiques de l’échelle atomique à planétaire ».

La météorologie étant un exemple de domaine très fluctuant tandis que le climat suit lui des grandes tendances.

« Je pense qu’il est très urgent que nous prenions des décisions très fortes (pour le climat). Il est clair que nous devons agir très vite et sans délai en faveur des générations futures », a affirmé le lauréat italien lors d’une conférence de presse téléphonique avec la Fondation Nobel.

« Grande nouvelle »

À Genève, l’Organisation Meteorologique mondiale (OMM) a salué une « grande nouvelle ». « Cela démontre à nouveau que la science climatique est fortement valorisée et doit être fortement valorisée », a déclaré son secrétaire général Petteri Taalas.

Les trois hommes se répartiront les 10 millions de couronnes suédoises (près de 990 000 euros) de la récompense au prorata de leur part : 50 % pour M. Parisi et 25 % pour les deux autres lauréats.

L’an passé, le prix avait récompensé le Britannique Roger Penrose, l’Allemand Reinhard Genzel et l’Américaine Andrea Ghez, trois pionniers de la recherche sur les « trous noirs », des régions de l’Univers d’où rien ne peut s’échapper.

Des physiciens quantiques ainsi que M. Parisi faisaient office de favoris, selon les experts interrogés par l’AFP.

Conformément à l’ordre immuable d’attribution, la médecine avait lancé le bal des Nobel 2021 lundi en sacrant les Américains David Julius et Ardem Patapoutian, dont les travaux sur le toucher et les récepteurs sensoriels ont ouvert la voie pour combattre les douleurs chroniques.