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L'équipe de l'hôpital NYU Langone de New York le 14 juillet 2023 lors de la transplantation du rein d'un porc génétiquement modifié sur un humain en état de mort cérébrale © NYU Langone Health/AFP Joe Carrotta

Le rein d’un porc génétiquement modifié continue à fonctionner 32 jours après sa transplantation sur un humain en état de mort cérébrale, un record et une étape clé vers une possible solution à la pénurie chronique de dons de cet organe, a annoncé mercredi une équipe scientifique américaine.

Cette transplantation a eu lieu à l’hôpital NYU Langone de New York le 14 juillet sur un homme de 57 ans en état de mort cérébrale et placé sous respirateur artificiel, après avoir fait don de son corps à la science.

Ces transplantations d'organes d'animaux sur des humains, aussi appelées xénogreffes, sont développées dans l'espoir de répondre à la pénurie de dons d'organes dans un pays où des dizaines de milliers de patients sont sur liste d'attente pour des greffes.

Ces 32 jours représentent « la plus longue période durant laquelle un rein de porc génétiquement modifié a fonctionné chez un humain », s’est félicité l’hôpital dans un communiqué, indiquant prévoir de continuer l’expérience durant un mois supplémentaire.  

Les reins de cet homme, Maurice Miller, ont été enlevés lors d’une opération et remplacés par le rein d’un porc génétiquement modifié, afin que l’organe ne soit pas immédiatement rejeté par l’organisme humain.

Les médecins ont également transplanté le thymus du porc, une glande jouant un rôle important dans la réponse immunitaire. L’idée est que le thymus aide les cellules du receveur à identifier celles du porc comme étant les siennes, aidant ainsi également à éviter un rejet, a expliqué lors d’une conférence de presse le Dr. Adam Griesemer, impliqué dans l’opération. L’analyse du rôle joué par le thymus sera réalisée à la fin des deux mois. 

Quoiqu'il en soit, depuis plus d'un mois, « les biopsies et tests du rein ne montrent aucun signe de rejet », a déclaré le Dr. Robert Montgomery, directeur de l'Institut de transplantation de NYU Langone. « Le rein de porc remplace toutes les fonctions importantes assurées par un rein humain ». 

Selon lui, cette étape doit permettre de mener à un essai clinique sur un humain vivant.

Plusieurs xénogreffes ont été réalisées par cette équipe ces dernières années, dont la première mondiale d'une transplantation d'un rein de porc sur un humain, en septembre 2021. Le rein avait alors bien fonctionné durant quelques jours. 

Tous leurs essais ayant jusqu'ici été assez courts, ils ne permettaient pas d'observer un possible rejet du système immunitaire adaptatif, qui intervient 10 à 14 jours après la mise en présence d'un tissu étranger, a expliqué le Dr. Robert Montgomery.

La première mondiale pour une transplantation de cœur porcin sur un humain vivant a elle été réalisée par l’hôpital d’une université du Maryland. Mais l’homme était mort deux mois après son opération.

Pour la transplantation de rein, beaucoup pensaient « qu’il ne serait pas possible de maintenir un défunt pour une si longue période après la mort cérébrale », a souligné mercredi le Dr. Robert Montgomery. 

Les fonctions normalement assurées par le cerveau – régulation de la température, du rythme cardiaque, de la pression artérielle… – ont été remplacées par une veille et des soins constants d’une équipe médicale.

« C’était une décision très difficile à prendre », a déclaré mercredi la sœur du défunt, Mary Miller-Duffy, qui a accepté que le corps de son frère soit utilisé pour cette étude. Mais « même si mon frère ne peut pas être là, je peux dire en toute confiance qu’il aurait été fier que la tragédie de sa mort aide la vie de nombreuses personnes. »

Plus de 100 000 Américains sont actuellement sur liste d’attente pour une greffe d’organe, dont près de 88 000 attendent un rein. 

Malheureusement, seul un tiers d’entre eux reçoivent effectivement un don, tandis que les autres deviennent trop malades pour en bénéficier ou meurent en en attendant un, selon le Dr. Robert Montgomery.

« Il n’y a tout simplement pas assez d’organes disponibles pour tous ceux qui en ont besoin », a-t-il déclaré. « Je crois fermement que les xénogreffes sont un moyen viable de changer cela. »

Puisque les porcs utilisés « ne sont pas clonés, mais élevés, leur nombre peut être augmenté bien plus facilement, afin de procurer une source de reins illimitée pour les patients en ayant besoin », a-t-il dit.