Bébé à « trois parents », une première médicale
Une équipe américaine annonce avoir fait naître un bébé à « trois ADN » grâce à une technique de FIV avec transfert du noyau. Une première médicale qui soulève la controverse.
Véronique Marsollier - Publié le
C’est un garçon de cinq mois en bonne santé. Mais aussi le premier bébé à naître porteur du patrimoine génétique de trois parents : celui de deux femmes et d’un homme. Cette première médicale, issue d’une technique controversée, interdite aux États-Unis, a été menée au Mexique par une équipe américaine et rendue publique le 27 septembre par la revue britannique New Scientist. Elle doit cependant faire l’objet d’une communication officielle en octobre, à l’occasion du Congrès de l’Association américaine de médecine reproductive à Salt Lake City (Utah).
Un père et deux mères ?
Pour les aider à concevoir un enfant en bonne santé, les parents, d’origine jordanienne, se sont adressés au Centre de fertilité de New Hope à New York, également présent en Chine, en Russie et au Mexique. En effet, la mère du bébé, âgée de 49 ans, est porteuse saine du syndrome de Leigh, une affection neurologique qui a déjà emporté deux de ses enfants, des fillettes décédées à l’âge de 6 ans et 8 mois. Cette maladie est due à une mutation dans l’ADN des mitochondries, des organites transmis uniquement par la mère qui fournissent l’énergie à nos cellules. Cet ADN est distinct de l’ADN logé dans le noyau de chaque cellule, car les mitochondries se trouvent dans le cytoplasme de la cellule. Environ un quart des mitochondries de la mère jordanienne était porteur de la mutation responsable de la maladie.
Le docteur John Zhang, président et fondateur du Centre de fertilité, et son équipe ont procédé, au Mexique, à une fécondation in vitro avec transfert de noyau (cette technique étant interdite aux États-Unis). Autrement dit, le noyau d’un ovocyte maternel a été inséré dans celui, préalablement énucléé, d’une donneuse. Cet ovocyte, possédant des mitochondries exemptes de la maladie, a été fécondé in vitro par un spermatozoïde du père. L’embryon ainsi conçu est porteur de l’ADN nucléaire de ses deux parents, mais aussi de l’ADN mitochondrial (ADNmt) sain de la personne donneuse. Sur les cinq embryons générés par cette technique, un seul a pu être réimplanté chez la mère.
Le noyau cellulaire de la mère est placé dans l'ovule d'une donneuse, ainsi que le spermatozoïde du père. L'œuf contient ainsi trois ADN : celui de la mère, l'ADN mitochondrial de la donneuse et l'ADN du père. © Olivier Boulanger/Universcience
Ce protocole technique, pour le moment interdit aux États-Unis, est autorisé au Royaume-Uni, mais n'y a pas encore été expérimenté. La méthode britannique est un peu différente et entraîne notamment des destructions d’embryons plus nombreuses. C’est ce dernier point qui a déterminé le choix du couple, de confession musulmane, en faveur de la technique américaine, moins destructrice d'embryons. En outre, un embryon masculin a pu être sélectionné pour éviter la transmission de la maladie.
Prudence de mise
Au-delà des interrogations éthiques, de la rareté des ovocytes, de l'insuffisance des données expérimentales et de la non-validation, à ce jour, de l'étude scientifique, les spécialistes restent réservés sur les naissances dites à « trois parents ». Les dernières expériences du même type pour lutter contre l’infertilité (transfert cytoplasmique), réalisées à la fin des années 1990 aux États-Unis, ont été interdites en 2002 par les autorités sanitaires. Pour « revivifier » des ovocytes de mères âgées, des enfants avaient en effet été conçus à partir de quatre ADN, deux provenant des noyaux cellulaires des parents et deux d’origine mitochondriale (ADNmt), l’un issu de la mère et l’autre d’une donneuse. Certains de ces enfants ont présenté de graves anomalies de développement.
Par ailleurs, des expériences sont en cours sur des animaux. Un chercheur américain de l'Oregon National Primate Research Center aurait engendré des singes à « trois mères » avec succès. Une demande d’essais cliniques sur l’homme est en cours auprès de la Food and Drug Administration (FDA). En France, la technique des « trois parents » n’est pas envisagée. Le diagnostic pré-implantatoire (DPI) des embryons ou le don d’ovocytes restent les seules solutions pour les parents porteurs de maladies génétiques rares.