Alors que beaucoup de structures en mer se détériorent après seulement quelques dizaines d’années, des constructions romaines datant d’il y a 2 000 ans résistent toujours aux vagues et aux marées. Mieux : elles seraient plus résistantes qu’au moment de leur fabrication ! Ce phénomène résulterait de la composition assez particulière du béton. Pour mieux le comprendre, une équipe internationale a étudié une ancienne jetée romaine située à Orbetello, en Italie. Les résultats de leur analyse sont parus le 3 juillet dans la revue American Mineralogist.

Secrets de longévité

Fabriqué à partir de chaux, de cendre volcanique et d’eau de mer, le béton romain comporte également, comme l'ont montré des travaux antérieurs, de la tobermorite, un minéral qui empêche les micro-fissures de se développer. De tels cristaux sont très rares dans la nature. Pour en obtenir en laboratoire, en petites quantités, il faut des températures très élevées. Alors que les réactions chimiques à long terme dans les matériaux agrégés restent souvent inexplorées, le groupe de chercheurs a voulu comprendre comment ce minéral avait pu se former sans les grandes chaleurs créées au labo. Pour cela, les scientifiques ont attentivement observé de fines tranches polies de ce béton romain : d’abord avec un microscope électronique qui a permis de cartographier les éléments dans les microstructures minérales, ensuite par micro-diffraction aux rayons X, et enfin par spectroscopie raman.

Un béton solide et écologique

Dans les préparations actuelles, tout est fait pour prévenir les réactions chimiques, car elles risquent de fragiliser les structures. Rien de tel naturellement s'agissant du béton romain. Les chercheurs émettent donc l'hypothèse que le mortier réagit chimiquement avec l’eau de mer corrosive filtrant à travers le béton, entraînant la croissance de minéraux rares au fil du temps et rendant par là même le béton plus résistant que lors de sa fabrication. Aussi un nouveau béton, de type rocheux, se développe à la faveur de cet échange chimique ouvert avec l’eau de mer. 
Des expériences en laboratoire ont ensuite eu lieu afin de fabriquer à nouveau ce béton unique à partir d’eau de mer de San Francisco et de cendres volcaniques provenant de l’ouest des Etats-Unis. Des structures d’essai permettront de tester la solidité de cette préparation.
Un fabricant de béton pourrait ainsi l’incorporer dans ses mélanges et contribuer à la construction de structures en mer plus résistantes, par exemple des sites de protection de déchets dangereux. Et ce, avec un impact moindre sur l’environnement, puisque le béton contemporain nécessite des fours à très haute température, émetteurs de dioxyde de carbone.