La particularité de la vision de l’Homme, mais aussi du primate, est la capacité à dissocier un objet de son environnement : le système visuel regroupe les éléments en divers ensembles selon leurs mouvements respectifs. C’est cette capacité qui a été observée chez cinq chouettes effraies lors d'une expérience conduite par l'équipe de Yoram Gutfreund, de la faculté de médecine de Rappaport, à Haïfa, en Israël, et rapportée dans la revue The Journal of Neuroscience du 2 juillet 2018.
Ces cinq Dames blanches  – l'autre nom donné à ces rapaces nocturnes – ont été placées face à un écran gris projetant des points noirs. Une caméra était placée sur leur tête, afin de suivre leur regard. Les chercheurs ont aussi analysé l'activité neuronale de leur tectum optique, le principal processeur visuel dans le cerveau (et l'équivalent du colliculus supérieur chez les mammifères). Dans une première expérience, les chercheurs ont analysé la réaction des oiseaux au mouvement d’un point bougeant de droite à gauche sur un fond statique : ils le perçoivent aisément. L'activité neuronale confirme que ces rapaces sont capables de détecter un objet selon son animation ou celle de son environnement, un principe partagé avec l'Homme. L'équipe pense même avoir identifié le circuit responsable de cette distinction visuelle au sein du tectum optique. 

Dans un second temps, chaque chouette devait identifier un point se déplaçant à contresens sur un fond dynamique. Là encore, l'expérience a été concluante : l'oiseau est parvenu à identifier le point en question.
Depuis le début des années 1970, les chouettes effraies sont couramment utilisées dans le cadre d'études cognitives portant sur l’apprentissage, la perception sensorielle ou l’attention. « Elles sont très douées pour détecter de petites cibles dans des environnements visuellement ou acoustiquement encombrés », souligne Yoram Gutfreund.
Au-delà de cette nouvelle étude, ce chercheur émet l'hypothèse que d'autres espèces partagent un système visuel comparable à celui de l’Homme : « Les principes de perception propres à l'être humain sont sans doute, en réalité, la manifestation de mécanismes visuels archaïques partagés entre les espèces ».