Largement médiatisés, le jeûne et certains régimes font l’objet d’un véritable engouement. Pratiqué depuis longtemps pour des raisons religieuses ou culturelles, le jeûne est dorénavant promu dans le cadre d’une amélioration du bien-être et de la santé. Livres, sites internet, blogs, forums, vidéos, émissions, reportages, cliniques spécialisées, centre de remise en forme, associations… contribuent largement à populariser cette pratique.
Qu'en est-il des résultats scientifiques ? Le jeûne et autres régimes restrictifs sont-ils bénéfiques pour prévenir, voire pour traiter certaines maladies, y compris le cancer ? Le Réseau National Alimentation Cancer Recherche (NACRe), un organisme soutenu par l’Institut national du cancer (Inca), a publié, le 30 novembre 2017, un rapport qui dresse le bilan des connaissances scientifiques sur la relation entre jeûne ou régimes restrictifs (calorique, glucidique, protéique) et cancer.

Un intérêt récent en France

En France, tout au long du XXe siècle, la pratique du jeûne reste une thérapie confidentielle. Contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, le Canada ou la Russie, elle ne fait l’objet d’aucune d’approche médicalisée telle que maisons de jeûne ou cliniques spécialisées. Depuis le début des années 2000, la publication de certains résultats scientifiques, puis la forte médiatisation du jeûne ont un peu changé la donne. Outre les jeûneurs religieux et spirituels, la France compterait désormais 4000 à 5000 jeûneurs réguliers, selon certaines sources. Un chiffre bien éloigné des 500 000 à 8 millions de pratiquants que compterait l'Allemagne (avec des estimations très variables selon les comptages et les années), pays occidental où le jeûne est le plus répandu.

Jeûneurs mal connus

Il existe peu de données sur le profil et les motivations des jeûneurs, notamment chez les personnes atteintes de cancer. L'étude sociologique menée en 2010 par Jean-François Barbier-Bouvet auprès de 500 jeûneurs, intitulée « Jeûner aujourd’hui, une pratique personnelle et spirituelle », livre toutefois quelques informations : il s'agit d’individus âgés de 45 à 60 ans (54 %), en grande majorité des femmes (71 %), diplômés de l'enseignement supérieur (59 % avec au moins bac +3). En se démocratisant, les pratiques se sont diversifiées, le durée du jeûne pouvant varier de la journée à la semaine.
Constitué en avril 2016 par le réseau NACRe en partenariat avec l'Inca, le groupe de travail Jeûne et cancer avait pour objectif de réaliser une revue systématique des publications scientifiques sur le jeûne à destination des personnels de santé et du grand public. Elle prend en compte les résultats en recherche fondamentale, épidémiologie, sciences humaines et sociales et recherche clinique. 

Des publications pas concluantes

Au total, 540 articles ont été identifiés dans la base de données américaine PubMed. Sur le volet prévention du cancer, les publications concernent en grande majorité des études expérimentales chez l’animal (200 articles) ; plus rares sont les études cliniques (15 articles) et épidémiologiques (2 articles) chez l’être humain. De plus, la majorité des essais cliniques concernent moins de 20 patients et ne respectent pas les règles méthodologiques courantes de fiabilité et d'objectivité (groupe contrôle, randomisation, double aveugle). Vingt-quatre autres essais cliniques sont en cours.
Le nombre d’études effectuées sur des personnes malades est encore plus restreint. Douze études cliniques sur de faibles effectifs analysent les effets du jeûne intermittent et de régimes restrictifs sur la fatigue, des marqueurs biologiques sanguins, la perte de poids, la qualité de vie et l’évolution tumorale. Vingt-quatre études expérimentales sur l’animal étudient l’impact sur l’efficacité des traitements anticancéreux.
Qu’il s’agisse de prévention du cancer ou de prise en charge de la maladie, les experts aboutissent à la même conclusion : l'absence observable d’effet bénéfique (ou délétère) du jeûne ou des régimes restrictifs. La vigilance est néanmoins de mise, car certaines études soulignent la perte de poids ou de masse musculaire associées aux régimes restrictifs. Or la dénutrition et la sarcopénie (fonte musculaire) sont des facteurs pronostiques défavorables du cancer.