Morbides antibios
Le déclin des abeilles est souvent attribué aux pesticides. Un autre phénomène pourrait cependant être en cause : l’usage d’antibiotiques, courant aux Etats-Unis chez les apiculteurs industriels.
Barbara Vignaux - Publié le
C’est une nouvelle pièce à verser au dossier de l’antibiorésistance : trop d’antibiotiques finissent par tuer les abeilles. Des chercheurs de l’université du Texas, à Austin, ont en effet montré que des abeilles traitées avec ce type de médicaments avaient moitié moins de chances de survivre que des abeilles non traitées. Ils rapportent l'expérience dans Plos Biology du 14 mars.
Pour parvenir à ce résultat, l'équipe de chercheurs a prélevé des centaines d’abeilles à miel sur les ruches installées sur le toit de leur université. En laboratoire, ils ont ensuite nourri un premier groupe d’un mélange de sirop et de tétracyclines, un antibiotique d’usage courant. Le second groupe, utilisé comme témoin, n’a quant à lui reçu que du sirop. Ces deux groupes étaient facilement reconnaissables grâce aux points de couleur peints sur leur dos.
Au bout de cinq jours d'un tel régime, les chercheurs ont remis les abeilles dans leur ruche. Trois jours plus tard, ils ont dénombré les abeilles survivantes des deux groupes : seul un tiers des insectes ayant reçu des antibiotiques était encore présent dans la ruche, contre les deux tiers pour le groupe témoin.
Les abeilles, mais pas seulement...
Comment expliquer ce phénomène ? Les chercheurs ont constaté que les antibiotiques affaiblissent les bactéries protectrices présentes dans l’intestin et laissent au contraire la place aux bactéries agressives telles que Serratia. Dans une seconde étape, ils ont d'ailleurs infecté les abeilles avec cette bactérie et constaté une mortalité accrue chez les abeilles ayant reçu des tétracyclines.
Dans cette vidéo (en anglais) réalisée par l'université du Texas, la chercheuse, Kasie Raymann, explique qu'elle a placé les abeilles dans un environnement froid, de manière à les endormir, avant de les marquer sur le dos et de leur donner, soit du sucre seul, soit du sucre avec des antibiotiques.
Cette découverte est susceptible d’intéresser les apiculteurs industriels aux Etats-Unis, qui appliquent des antibiotiques sur leurs ruches plusieurs fois par an, alors que c’est illégal en France. Il est intéressant de noter que, comme chez les humains, les abeilles possèdent une importante flore intestinale impliquée dans de multiples fonctions telles que l’absorption des nutriments ou l’immunité de l’organisme.