Réchauffement climatique : le GIEC se penche sur les conséquences
Réuni à huis clos à Bruxelles, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) finalise son très attendu rapport sur « les conséquences, l'adaptation et la vulnérabilité » face au réchauffement de la planète.
AFP - Publié le
Avec deux degrés supplémentaires, la planète chauffe
Deux degrés supplémentaires, soit la fourchette basse de prévision des experts pour 2100, auront déjà des conséquences dramatiques pour la vie sur Terre, selon les estimations des scientifiques du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC).
Deux degrés : c'est aussi le seuil que s'est fixé l'Europe pour 2100 par rapport à l'ère pré-industrielle, et le pari n'est pas gagné, si on mesure que la température a déjà grimpé de 0,74° en un siècle.
Selon le rapport du GIEC sur les impacts du réchauffement, qui doit être publié le 6 avril à Bruxelles et dont l'AFP a obtenu une copie, deux « petits » degrés de plus auront déjà des conséquences considérables.
Jusqu'à 2 milliards d'hommes supplémentaires risquent de manquer d'eau – dont 600 millions en Afrique et 1 milliard en Asie. 30 millions d'hommes supplémentaires souffriraient de la faim avec un seul degré de plus, et encore 10 millions supplémentaires avec deux degrés.
En février, lors de la publication de son volet scientifique, le GIEC avait prédit une hausse de 1,8 à 4° de la température moyenne planétaire d'ici 2100 par rapport à 1990.
Or ces valeurs sont des moyennes, et la variation pourrait aller jusqu'à 6,4 degrés supplémentaires, selon les modèles de croissance plus ou moins polluants mis en œuvre par l'homme.
Le scénario le plus optimiste table sur une hausse de 1,1 à 2,9 degrés en 2100 par rapport à 1990, et les experts s'accordent à dire qu'il sera difficile, compte tenu de l'inertie du système (le CO2 reste stocké plusieurs centaines d'années dans l'atmosphère) d'éviter les deux degrés supplémentaires à la fin du siècle.
À titre de comparaison, la température moyenne mondiale de 2003, année d'une canicule qui a fait 70 000 morts en Europe, a été supérieure de seulement 0,47°C aux valeurs moyennes sur 1961-1999.
En France, la fournaise de l'été 2003 – 20 000 personnes âgées décédées durant cette canicule – correspondait à 4,3°C de plus que la moyenne saisonnière.
« Seulement 4 à 6 degrés nous séparent de la dernière période glaciaire, il y a 20 000 ans, et à l'époque, la calotte glaciaire recouvrait l'Ecosse, et la France présentait des paysages de toundra sibérienne », rappelle le météorologue Serge Planton.
L'impact du réchauffement sera d'autant plus insupportable qu'il ne frappera pas partout pareil : la hausse est deux fois supérieure en Arctique, par exemple. Et les pays pauvres, qui ont moins de moyens pour s'adapter, prendront les impacts de plein fouet.
À +2°C, la production agricole augmentera au nord, grâce à un allongement des saisons de culture, mais le fossé se creusera encore davantage avec les régions démunies, soumises à des sécheresses intenses ou à des inondations qui endommageront les récoltes, notamment sur les côtes – surtout en Asie.
Les déserts continentaux, soumis à des « sécheresses plus sévères et persistantes », s'étendront en Amérique du Nord ; un tiers du Sahel risque de s'aridifier, provoquant une migration vers les tropiques des zones de végétation.
Au-delà, les experts redoutent une mutation des sols – l'Amazonie menacée de se transformer en savane – qui les rendrait émetteurs de gaz à effet de serre, accélérant encore le réchauffement.
« Au-delà de deux degrés supplémentaires, la capacité d'adaptation de la planète diminuera rapidement », souligne le climatologue Jean Jouzel pour qui il faudrait réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 pour tenir les +2°C et les diviser par quatre pour les pays industrialisés.
« Ce que nous décidons maintenant, confirme le climatologue Jean Jouzel, est crucial pour la seconde moitié du XIXe siècle ».