Une merveille technologique dans l’ombre de la Terre

Il est enfin là ! Le nouveau fleuron de l’astronomie spatiale s’est longtemps fait attendre de la communauté astrophysique. Avec un coût initialement estimé à 1 milliard de dollars et un lancement prévu en 2007, il a finalement quitté la Terre le 25 décembre 2021 pour un budget neuf fois supérieur. Après son lancement parfait par la fusée européenne Ariane 5, le télescope spatial James Webb ou JWST (James Webb Space Telescope en anglais) a d’abord dû s’allumer. Plutôt que de chauffer les moteurs, il les a refroidis, à l’aide du vide spatial bien sûr, mais aussi grâce à ses appareils cryogéniques, de véritables frigos, indispensables pour atteindre la température optimale d’opération. Ses pare-soleil se sont étendus, ses miroirs alignés, puis ses instruments allumés. Les missions assignées au JWST sont multiples : voir toujours plus loin, et donc vers le passé de notre univers ; observer le comportement des étoiles, nébuleuses ou galaxies, pour en comprendre l’évolution ; et bien sûr, viser les nouveaux mondes, ces exoplanètes dont on commence tout juste à déchiffrer les atmosphères. En attendant les résultats définitifs, toujours en cours d’analyse, les images nous émerveillent déjà, avec de somptueuses mises à jour des photos d’Hubble ou le dévoilement, sous un jour nouveau, des planètes de notre propre Système solaire. Car le James Webb opère en infrarouge, et parvient ainsi à voir à travers les nuages de gaz qui d’ordinaire recouvrent de brouillard tout l’univers.

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infographie : Julien Tredan-Turini

La nébuleuse de la Carène, toile spatiale

Instantanément culte. Ce nouveau cliché de la nébuleuse de la Carène, au sein de notre Voie lactée, a réussi l’exploit de surpasser le précédent cliché d’Hubble, en perçant l’épais nuage, pour découvrir les ingrédients de formation des futures étoiles. L’image éveille l’imaginaire : y voyez-vous des falaises (les plus hautes dépassent 7 années-lumière de longueur !) ou une côte en bord de mer ?

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© NASA, ESA, CSA, STScI
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Hubble versus James Webb

Pour certains, une main divine, pour d’autres, de gigantesques piliers. La fameuse zone de gaz et de poussières se révèle être un berceau d’étoiles en formation, dont certaines âgées d’à peine quelques milliers d’années. Les Piliers de la création, hauts de quelques années-lumière, étaient l’une des images emblématiques du télescope spatial Hubble (à gauche). Mais avec ses miroirs, il ne pouvait observer qu’en lumière visible. Le James Webb et ses instruments infrarouges voient à travers la brume et les gaz, révélant des milliers d’étoiles (à droite).

Le Quintette de Stephan

Voici l’une des plus grandes mosaïques édifiées par le James Webb : les cinq galaxies du Quintette de Stephan, dans la constellation du Centaure. Deux d’entre elles se percutent, dans un amas rouge orangé, tandis que les autres voient leurs queues galactiques s’entremêler sous le coup de la forte attraction gravitationnelle de la zone. L’image a nécessité la reconstruction de 1000 clichés pour un total de 150 millions de pixels ! De quoi nourrir les modèles des chercheurs, qui tentent de retracer le parcours des galaxies et leurs interactions.

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© NASA, ESA, CSA, STScI
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© NASA, ESA, CSA, STScI

Vers les débuts de l’univers

C’est après une présentation du président des États-Unis, Joe Biden, le 11 juillet 2022, que la NASA a dévoilé la toute première image du James Webb. L’incroyable nombre d’étoiles visibles ici ne représente qu’une part minuscule du ciel, l’équivalent d’un grain de sable ! En observant les détails, on remarque d’étranges déformations. Il s’agit de l’effet de lentille gravitationnelle : lorsque la lumière passe à proximité d’une galaxie massive, elle suit la courbure de l’espace-temps lui-même et change de trajectoire. Le James Webb pourrait ainsi observer des galaxies datant de 120 millions d’années après le Big Bang, et mieux comprendre l’évolution de l’univers.

Premiers spectres d’exoplanètes

Lorsqu’une exoplanète passe devant son étoile, la lumière de cette dernière diminue et certaines longueurs d’onde sont atténuées. Ces « trous » dans le spectre lumineux de l’étoile indiquent aux chercheurs les éléments qui se trouvent dans l’atmosphère de l’exoplanète. Le JWST a ainsi observé l’ombre de WASP-39 b, une planète de type Jupiter chaud située à 700 années-lumière. Les données sont encore en cours d’analyse, mais révèlent déjà certaines surprises, comme ici, la présence de dioxyde de soufre (SO2). Détecté pour la première fois autour d’une exoplanète, cet élément est un composé essentiel à la vie.

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© NASA, ESA, CSA, STScI
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Une proto-étoile en forme de sablier

Sablier céleste ? Le temps fait ici son œuvre : cette étoile en formation (100 000 ans à peine !) emmagasine la matière environnante, tout en réalisant de superbes éjections dues à son activité interne. Visible ici en infrarouge, elle démontre une activité étonnante, avec des bulles et des filaments d’hydrogène. D’ici plusieurs centaines de milliers d’années, elle s’allumera pour devenir une véritable étoile.

Un saut technologique spectaculaire

Pour comprendre à quel point l’avancée technique du James Webb est prodigieuse, le mieux est de le comparer à ses « ancêtres ». Hubble, sensible à la lumière visible, ne joue pas vraiment dans la même catégorie. Le James Webb, spécialisé dans l’infrarouge, doit être comparé à Wise et Spitzer, comme ici sur cette vue du Grand Nuage de Magellan, une galaxie satellite de la Voie lactée. Sur l’image livrée par Wise, on distingue au mieux les contrastes et les étoiles majeures. Avec Spitzer, elle s’affine en dévoilant légèrement le plan arrière. Mais grâce au JWST, les étoiles retrouvent les caractéristiques huit branches (liées à la conception des miroirs) et les nuages de gaz apparaissent.

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© NASA/JPL-Caltech/ESA/CSA/STScI
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© NASA, ESA, CSA, Jupiter ERS Team

Jupiter sous un nouveau jour

Voici une vision originale de Jupiter ! La planète géante voit sa grande tache rouge blanchir, ses aurores polaires rougir et son atmosphère verdir. C’est qu’elle est ici vue sous les filtres de la caméra NIRCam, en infrarouge, donc. On aperçoit les reflets des aurores sur son épaisse couche de nuages, ou encore la tempête incessante de sa « grande tache rouge », devenue ici très blanche.

Neptune et ses lunes enfin revisitées

Enfin une nouvelle image de Neptune ! La huitième planète du Système solaire, géante glacée à la haute atmosphère battue par des vents record de 2000 km/h, se trouve rarement sous l’œil d’un objectif. Découverte en 1846, elle est observée en détail pour la première fois par la sonde Voyager 2, en 1989. Depuis, Hubble a pu la contempler en lumière visible. Le JWST capture ici son image infrarouge : le méthane présent dans l’atmosphère neptunienne absorbant ces longueurs d’onde, des bandes noires sont visibles sur la géante glacée. On peut apercevoir à l’œil nu sept de ses quatorze lunes, dont Triton, très brillante en haut à gauche.

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© NASA, ESA, CSA, STScI
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© NASA, ESA, CSA, STScI

L’Anneau austral révélé

Imagé ici par deux instruments du JWST – NIRCam (à gauche) et MIRI (à droite) –, l’Anneau austral est une nébuleuse planétaire, autrement dit une étoile en fin de vie libérant dans l’espace son enveloppe externe. La « naine blanche » à l’origine de ce phénomène n’est pas seule. Elle est accompagnée d’une autre étoile arrivée aux derniers stades de son évolution qui produira bientôt sa propre bulle de gaz. La vision de MIRI dans l’infrarouge moyen permet de la révéler.

Les Piliers de la création

Popularisés par le télescope spatial Hubble, voici les fameux Piliers de la création vus par le JWST. Ils se situent dans la nébuleuse de l’Aigle, à 6 500 années-lumière. L’opacité des pqiliers est dissipée, ce qui révèle les étoiles en formation dans cette gigantesque pouponnière.

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© NASA, ESA, CSA, STScI