Le dérèglement climatique : la COP21, et après ?
À travers 8 films, 21 experts répondent à de grandes questions à enjeux scientifiques, énergétiques, socioéconomiques et politiques. Leurs points de vue nous interpellent aux plans individuel et collectif, dans notre quotidien mais aussi en tant que citoyens du monde.
Réalisation : Alain Labouze
Production : Universcience
Année de production : 2015
Durée : 10min56
Accessibilité : sous-titres anglais, sous-titres français
Le dérèglement climatique : la COP21, et après ?
COP21, ET APRES ?
François GEMENNE X 2
Laurence TUBIANA
Achim STEINER
Nicolas HULOT
Bruno LATOUR
Alix MAZOUNIE
Teresa RIBERA
Hindu Oumarou IBRAHIM
Ronan DANTEC X 2
1 - Nicolas HULOT
On doit aboutir à une somme d’engagements qui nous met dans une situation de limiter le changement climatique à 2 degrés au cours du siècle. C’est ce que nous demande la science. Elle nous le demande, car au-delà de 2 degrés, nous rentrons dans une chaîne d’irréversibilité des phénomènes, avec des conséquences imprévisibles, ou je dirais même malheureusement trop prévisibles, sous un angle un peu tragique. Mais il faut surtout que ces engagements soient accompagnés d’instruments qui nous permettront de réaliser ces objectifs.
2 - Bruno LATOUR
Est-ce qu’on a besoin d’un accord mondial sur le climat ? Oui ! Parce que ces COPs ont des effets légaux très importants. Et il faudrait qu’ils arrivent par ailleurs à étendre leurs décisions légales sur d’autres arènes comme le commerce ou l’énergie. Il y a aussi un effet civilisateur dans les COPs. Le simple fait que cette conférence ait lieu, le simple fait que les nations doivent présenter leurs projets de développement, ça construit quelque chose, il y a l’idée d’un monde commun.
3 - François GEMENNE
Je dirais que le rendez-vous de Paris en décembre 2015 est tout simplement un moment crucial pour l’humanité. C’est le moment où l’humanité sera face à un choix, soit le choix d’engager une action radicale contre le changement climatique, soit le choix de plonger dans l’abîme. C’est donc un moment de vérité pour l’humanité, sans être outrageusement dramatique. C’est un moment de vérité pour l’humanité, où l’humanité va avoir la possibilité de décider de son sort. Qu’est-ce qui en fera un succès ? Je dirais s’il y a un engagement réel, mesurable et quantifiable, sinon de l’ensemble des pays, mais d’une majorité des pays, de s’engager dans une action radicale pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et pour financer l’adaptation.
4 - Alix MAZOUNIE
On n’est pas à Paris juste pour déterminer des politiques nationales ou internationales seulement sur les 5 prochaines années, mais pour donner une vision suffisamment longue pour que les investisseurs puissent s’y retrouver et disent « ok, là, j’investis parce que j’ai compris que la communauté internationale est en train de prendre des décisions qui vont durer dans le temps ». C’est cette fameuse tension entre le court terme et le long terme qu’il faut qu’on arrive à régler à Paris. Concernant cette vision à long terme, les ONG sont d’accord sur une chose très importante : premièrement, il faut qu’on acte qu’en 2050, on ne consomme plus d’énergie fossile, c’est le rapport du GIEC qui est très clair sur le budget carbone qui nous reste, et quand on regarde ce que ça veut dire en terme d’énergie fossile, il faut laisser 80 % des énergies fossiles dans le sol. On a donc besoin d’une vision à long terme, ce ne sera pas une décision, mais au moins une vision à long terme qui permette d’enclencher un transition. Et la question principale qui va se poser à Paris, c’est « Vers quoi est-ce qu’on va ? » Je pense que c’est là qu’il y aura le plus de désaccord, de savoir si oui ou non on va vers une vison 100 % énergie renouvelable ou quel et le mix énergétique qu’on veut développer collectivement dans les 20 prochaines années. Du coup, il faut savoir en quoi on veut investir aujourd’hui.
5 - Ronan DANTEC
L’enjeu de Paris, ce n’est pas finalement tant ce qui va être décidé à la COP, mais plutôt ce qui va se jouer à partir du lundi, 4 janvier 2016. L’enjeu de cette COP, c’est que tous ceux qui ont la capacité d’agir agissent dès l’année suivante, qu’ils soient convaincus qu’il y a encore un scénario crédible pour stabiliser le climat sous les fameux 2 degrés. La COP doit d’abord en finir avec ce qu’on montre, ce n’est plus tant le climatoscepticisme que le climatofatalisme, le sentiment qu’on n’y peut pas grand chose et qu’il faut s’adapter au mieux. Non, je crois que cette COP doit créer une dynamique, faire en sorte que chacun agisse à son échelle. C’est vraiment cela que j’attends et que j’espère de cette COP.
6 - Laurence TUBIANA
Les deux degrés ne sont pas un objectif parmi d’autres, c’est la décarbonation des économies, des économies résilientes comme modèles de l’économie en général. Ce n’est pas un objectif de plus. C’est pour cela que je pense qu’il est vraiment important de le garder. Je compare cela souvent à la manière dont Kennedy a formulé la notion de l’objectif pour préparer la course à la lune. Il a dit « L’intérêt de cet objectif, ce n’est pas que ce soit un objectif facile et atteignable, mais que cela focalise notre action, notre attention, notre effort, et c’est comme ça qu’on va y arriver ». Je crois que c’est vraiment ce qui est en train de se passer avec cette référence aux 2 degrés. Cette référence résonne dans chaque acteur qui commence à se dire « Je veux faire quelque chose pour le climat ». Mais ce n’est plus seulement « quelque chose », c’est quelque chose qui soit compatible avec la stabilisation du climat à un niveau supportable.
7 - François GEMENNE
Je dirais qu’une grande difficulté dans la lutte contre le changement climatique réside dans la disparité des échelles de temps. On discute d’un changement climatique qui, même s’il est rapide, va s’étaler sur plusieurs générations et va donc dépasser l’expérience temporelle d’un mandat politique et parfois même l’expérience d’une génération. C’est pour cela que le changement climatique constitue aussi un véritable défi pour la démocratie. Est-ce que nous sommes capables, en tant que démocratie – sans du tout jeter la pierre aux politiques – de prendre des décisions de long terme qui nous dépassent ? Qui dépassent notre propre expérience humaine, et qui dépassent donc à fortiori l’expérience d’un mandat politique ? Même si on décide de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre à Paris, même si on prend des mesures draconiennes, et parfois impopulaires, une taxe carbone par exemple, même si le gouvernement décide de faire cela, il ne peut pas espérer voire la traduction concrète de cette action en termes d’impacts du changement climatique avant 50 ans, c’est à dire quand le gouvernement ne sera plus aux affaires et quand la plupart des membres de ce gouvernement seront vraisemblablement morts. C’est donc quelque chose d’assez démotivant pour l’action publique. Vous faites quelque chose et vous savez que vous verrez les résultats seulement 50 ans plus tard !
8 – Teresa RIBERA
Il faut tenir compte que Paris n’est pas la dernière étape, c’est une étape très importante qui doit changer la manière dont on a travaillé jusqu’à présent, mais qui doit être le début d’une transformation beaucoup plus élargie de tous les patrons, tous les modèles, des prises de décisions, et d’agir dans tous les pays, dans tous les domaines, tout en sachant qu’en même temps, il faut garantir les fondements de solidarité avec les groupes et les pays les plus vulnérables.
9 - Ronan DANTEC
Les mots clés de la crise climatique, les mots clés de la réponse à la crise climatique, c’est la coopération, c’est la solidarité. La coopération pour faire en sorte que ceux qui ont déjà expérimenté des solutions qui marchent les proposent et les mutualisent, et les fassent connaître. La solidarité dans les flux financiers. Evidemment, il faut de l’argent pour amener à la transition. Un des grands enjeux de la conférence de Paris, c’est que les pays du Nord qui se sont engagés à Copenhague sur 100 milliards de dollars par an pour le Fonds vert assument leurs promesses. La confiance est à ce prix-là. Mais avec 100 milliards, on peut faire beaucoup de choses, sachant qu’en plus, les investissements énergétiques représentent chaque année plusieurs centaines de milliards au niveau mondial. On voit bien qu’on a des dynamiques et qu’on a des possibilités.
10 - Hindu Oumarou IBRAHIM
Si on marche seul, on marche plus vite, mais si on marche ensemble, on marche plus loin. Et on a besoin de marcher plus loin. Il y a des initiatives qui existent partout, mais on a besoin d’un accord mondial qui engage tout un chacun, qui engage tous les pays. Pourquoi je pense personnellement qu’on a besoin de cet accord mondial ? C’est un accord politique. On a besoin d’engager nos dirigeants sur leurs responsabilités. Mais c’est une responsabilité partagée qu’on cherche, nous aussi on a notre part de responsabilité. On est en train de jouer notre rôle, même si c’est petit, mais c’est à eux de jouer leur grand rôle. En tant que citoyen, tout un chacun doit les interpeler par rapport à cet accord. Si on n’a pas cet accord, on n’a rien pour les tenir et pour les interpeler. Ils doivent diminuer les gaz à effet de serre, ou bien ils doivent s’engager sur l’adaptation, sur l’atténuation, ou bien ils doivent mettre de l’argent pour les plus vulnérables. On a donc besoin de cet accord. Mais il faut aussi que cet accord impose des engagements aux pays les plus puissants sur leurs responsabilités historiques. Nous, quand même, nous n’avons pas émis ces gaz, et nous n’avons pas voulu vivre comme ça ! On a juste voulu vivre notre vie. On ne veut pas copier la mondialisation, ou l’industrialisation pour faire mieux. Mais pour cela, nous avons besoin d’un accord qui rappelle à tout un chacun ses obligations, ses droits, mais aussi ses devoirs vis-à-vis de toute l’humanité.
11 - Achim STEINER
Il y a des gens qui pensent que toutes les COPs qu’il y a eu dans le passé ne nous ont pas donné de solution. Je ne suis pas d’accord avec cette analyse. Je crois que la quête d’une solution qui puisse répondre au changement climatique est une histoire extraordinaire. Dans le contexte des Nations Unies, ça fait seulement 25 ans que nous travaillons à une approche multilatérale pour trouver une réponse à un défi qui n’a jamais existé dans l’histoire de l’humanité. On en est à un point où il faut changer nos économies, nos modes de vie, et c’est un défi extraordinaire. Les COPs que nous avons organisées dans le contexte des Nations Unies et qui étaient consacrées au climat représentent à chaque fois un pas dans cette direction très complexe pour trouver une réponse qui changera la vie économique : nos infrastructures, nos villes, nos moyens de transport, l’industrie, les sources d’énergie, tout sera changé totalement. Ce n’est pas étonnant que cela demande du temps, mais chaque COP est un petit pas dans la bonne direction.
Réalisation : Alain Labouze
Production : Universcience
Année de production : 2015
Durée : 10min56
Accessibilité : sous-titres anglais, sous-titres français