Le stockage géologique du CO2 est un moyen de lutter contre le réchauffement climatique. C'est un moyen parmi d'autres : les économies d'énergie, le changement de mode énergétique en passant à des énergies renouvelables non carbonées, sont aussi des moyens de limiter les émissions de CO2 dans l'atmosphère, qui conduisent au réchauffement par effet de serre. La question qui se pose, vu que les quantités, quand même de CO2 émis sont assez importantes, c'est : est-ce qu'on peut vraiment injecter autant de CO2 dans les roches géologiques ?
C'est la question qu'on va poser aujourd'hui.
Pour répondre à cette question, il faut introduire la notion de perméabilité. La perméabilité c'est la propriété d'écoulement dans les roches. Alors je vais dessiner rapidement ici un paysage, avec des couches géologiques qui vont, qui vont s'empiler comme ça, donc si on creuse dans le sous-sol, de manière un peu imaginaire, on va rencontrer des couches géologiques schématisées ici, qui ont une taille d'à peu près une dizaine de mètres et qui sont relativement variées. Et puis certaines roches ici vont présenter des propriétés tout à fait intéressantes pour le stockage géologique du CO2. C'est-à-dire de l'espace, avec une porosité. Alors quand on regarde localement, comment est constituée la roche, ce sont des petits grains. Entre les grains, j'ai de l'espace, une porosité qui va conduire à des volumes possibles de stockage.
Est-ce que le CO2 va rentrer dans ces roches, est-ce qu'il va s'écouler au travers de ces roches pour pouvoir ensuite répartir – se répartir et rester de manière permanente sous – dans la roche ? C'est une question importante qui s'est posée depuis longtemps. On avait l'intuition qu'il y avait des mouvements de fluides dans le sous-sol, parce que lorsque la pluie tombe, elle s'infiltre dans le sol. On va retrouver ça dans les sources, dans différentes nappes, lorsqu'on creuse un puits, on trouve de l'eau. Donc on avait l'intuition depuis très longtemps de mouvements de fluides au travers des roches. Mais c'est Henry Darcy, dans les années 1850 qui a un petit peu précisé cette notion et je vais détailler dans un instant l'expérience qu'il a faite. Mais déjà, je montre ce – cet échantillon de roche pour bien comprendre que ce sont ces genres d'objet qu'on va trouver dans le sous-sol. Donc c'est quelque chose de très compact, on voit pas les petits pores qui sont constitutifs de cette roche mais pourtant, cette roche a une porosité de 20 %, donc on peut imaginer que, eh bien cet espace-là est constitué de vide qui pourrait être rempli de fluides.
Comment on va avoir un écoulement au travers de cette roche ?
Darcy a regardé ce problème en traitant l'alimentation en eau de la ville de Dijon et il voulait faire passer l'eau au travers de massifs de sable reconstitués et il avait compris l'analogie avec la roche. Donc on peut prendre un échantillon de roche comme celui-ci que je représente ici et faire l'expérience, schématiquement, qu'a faite Darcy. Donc il a relié l'entrée... Alors ici on va mettre une gaine étanche pour empêcher les mouvements, ici. Et puis Darcy a relié la partie ici de cette roche à un réservoir d'eau que nous allons dessiner maintenant. Et donc, simplement parce que le bac est en hauteur, l'eau va appliquer une pression sur cette face-là, une pression qui va être égale à ρ (rhô) gH. Donc « ρ » (rhô) la masse volumique de l'eau, « g » l'accélération de la gravité et « H » cette hauteur, donc on a une pression hydrostatique qui est appliquée à l'entrée de cette échantillon de roche. Si à la sortie on met un petit système qui va recueillir les fluides produits, eh bien, on va constater qu'une production d'eau arrive ici avec un certain débit que je vais noter « Q », par exemple en litres par minute. Et donc, cette expérience, qu'à conduite Darcy, montre que je peux avoir un écoulement d'eau au travers de cette roche. Et alors Darcy est allé plus loin : il a regardé, ben, quel est le débit que j'obtiens en fonction de la pression appliquée. Donc il a fait varier cette pression en changeant la hauteur du bac. Pas de pression, pas de débit, mais plus j'ai de pression, plus j'ai de débit. Et la relation entre les deux est en fait une relation de proportionnalité. Donc cette relation très régulière a beaucoup excité Darcy et il a essayé de comprendre un petit peu plus en détail... C'est un petit peu après Darcy qu'on a compris le rôle du fluide lui-même. Darcy avait fait des expériences qu'en eau, mais si on change le type de fluide, on a le même genre de relation. Ça a été fait avec de l'huile, pour comprendre les mouvements de pétrole, ça a été fait avec du gaz, et on constate que, eh bien, le débit que l'on obtient, divisé par l'air à la surface de cet échantillon, eh bien va être égal à un coefficient de proportionnalité « K » qui est la perméabilité, c'est une notion qu'on définit maintenant. « μ » (mu) c'est la viscosité des fluides utilisés et une proportionnalité par rapport à la pression, divisée par la longueur de cet échantillon. Cette formule, qu'on appelle la formule de Darcy, donc, montre la proportionnalité du débit avec la pression qu'on applique. Et le terme qui est ici, c'est la perméabilité, une notion très importante, une caractéristique des roches qui va définir si ça s'écoule facilement ou pas. Cette, cette grandeur, la perméabilité a comme unité les m2 (mètres carré). Alors au départ, c'est simplement l'observation qui déduit ce coefficient K. Si on veut réfléchir à quoi correspond ce coefficient K, si on retourne vers l'intérieur de la roche et ses petits grains de matière, que je vais schématiser ici, je vois qu'en fait, dans les pores, entre les grains, eh bien l'eau peu s'écouler. Elle va s'écouler comme si elle s'écoulait à travers des petits canaux, des tout petits canaux qui vont avoir un certain diamètre. Un petit diamètre que je vais noter « d ». Et à ce moment-là, eh bien, on se ramène à une analogie qui a été faite à l'époque : la roche, c'est un ensemble de micro-tuyaux, de petits tubes capillaires dans lequel l'eau peut s'écouler. Lorsqu'on regarde comment s'écoule de l'eau dans des petits capillaires, on retrouve une formule qui est tout à fait similaire à celle-ci. Ainsi, K peut être interprété par la taille des petits tuyaux qui conduit l'eau à travers de la roche. Et ainsi, donc, la perméabilité, c'est quelque chose comme le diamètre au carré de ces petits tuyaux. Ça explique que ce sont des mètres carré, on peut en calculer un ordre de grandeur. La roche comme celle-ci c'est des petits grains microniques, on est à 10-6 mètres ici, la perméabilité donc au carré va donc être à 10-12 m2. 10-12 m2 c'est très petit, donc les écoulements dans les roches sont assez lents, mais c'est suffisant pour assurer un écoulement et un remplissage de la roche. Maintenant je reviens au CO2. Cette formule va s'appliquer, donc je reprends ma zone ici, je peux faire un puits, donc un trou qui va être foré jusqu'à la zone adéquate, je vais appliquer une pression de CO2 par un compresseur, le CO2 va descendre, et petit à petit, eh bien, il va pénétrer dans la roche avec un débit qui est donné ici et envahir petit à petit la roche. Ainsi, je vais pouvoir remplir mon réservoir géologique de CO2, le laisser dans cette situation. Cette situation va être stable au temps géologique, donc j'évite les émissions de CO2 dans l'atmosphère, je le stocke ici, et ainsi je diminue la quantité de CO2 dans l'atmosphère, je limite l'effet de serre et donc je limite le réchauffement climatique.