Du kilo de plomb à la preuve ?
On vous a sûrement déjà dit que le kilo de plomb tombait à la même vitesse que le kilo de plume ? Ce que les physiciens disent exactement, c’est que les deux tombent à la même vitesse quand il n’y a pas d’air pour les freiner.
Mais de l’air, il y en a partout ! Alors à quoi bon ?
On va enquêter sur le sujet. Je vais photographier une goutte d’eau qui fera la course avec cette bille d’acier. Il y a plusieurs moyens de le faire. Si on peut travailler sur un fond noir, on peut utiliser un flash électronique : regardez.
Ici, le flash envoie 5 éclairs par seconde, mais pour la goutte d’eau, il en faudrait plutôt 25 par seconde. À chaque flash, la lumière reflétée sur la goutte va imprimer sa position sur le capteur de l’appareil.
Comme l’obturateur sera ouvert pendant toute la chute, il y aura autant de gouttes que de coups de flashs. Si on veut faire la photographie sur fond blanc, c’est beaucoup plus compliqué à moins d’avoir une caméra rapide.
Très rapide même, rendez vous compte. 6 000 images par seconde !
On ralentit le film maintenant. Regardez bien la goutte d’eau qui s’étire avant de quitter le robinet. En fait c’est un liquide, alors que la bille, elle, est un solide, elle tombe régulièrement. Regardez la goutte d’eau, on dirait qu’elle descend par à-coups. En fait c’est un liquide perturbé par son départ. Mais le centre de gravité de cette goutte d’eau accélère très progressivement. Et voilà qu’après vingt centimètres de chute le verdict va tomber : match nul.
Cette photo semble prouver qu’un objet, bien que huit fois plus lourd qu’un autre, tombe à la même vitesse. Et ce, même avec de l’air. Mais là encore c’est une illusion. En fait, la bille d’acier est très légèrement devant, mais c’est pour l’instant invisible à l’œil nu. Si j’avais fait la photographie d’une chute de 2 mètres de haut, alors là, nous aurions constaté sans ambiguïté que la goutte d’eau était bien la perdante.
Et alors ?
C’est comme si nous étions incapables de prouver quoi que ce soit ! Cette photographie permettrait de prouver une théorie fausse. En réalité, lorsque nous utilisons un fait, il ne s’agit que d’une interprétation. Nous sommes toujours limités soit par notre précision soit par la compréhension dont nous sommes capables. Mais que savons-nous si même un fait n’a rien d’une preuve ?
Et vous, qu’imaginez-vous ?