C'est la première fois qu'autant d'engins spatiaux s'apprêtent à décoller, en l'espace de quelques mois, vers la planète Mars. À tel point qu'on serait tenté de qualifier 2020 d'année martienne par excellence. Qu'en est-il vraiment ? "Alors quand on s'intéresse un peu à Mars, on a le sentiment que tous les deux ans, c'est l'année martienne. La raison, c'est que tous les 26 mois précisément, Mars passe au plus près de la Terre. Ça veut dire qu'on peut la voir dans le ciel. On profite de ce passage à proximité pour y envoyer des missions spatiales. Mais là, effectivement cette année, c'est un peu particulier parce que, par coïncidence, l'Europe et les États-Unis avaient prévu d'envoyer quelque chose et à cela s'ajoutent les puissances émergentes, la Chine, l'Inde voulait en être, le projet a été reporté, et puis, ce petit projet innovant des Emirats arabes unis. Donc un peu comme il y a eu, ces dernières années, une nouvelle vague d'explorations, de missions autour de la Lune, maintenant, ces pays-là essayent d'aller plus loin, plus fort, et donc d'aller autour de Mars. " Américaines, chinoises émiraties et européennes, en quoi consistent ces quatre missions vers Mars ? "La première, c'est une mission américaine, vraiment spectaculaire, qui s'appelle Mars 2020, c'est un programme. Un gros rover de plus d'une tonne, une espèce de voiture avec six roues qui ressemble à une mission qu'on connaît déjà, qui s'appelle Curiosity, qui va préparer des échantillons pour qu'un jour, plus tard, on les ramène sur Terre. On a aussi une mission chinoise qu'on ne connaît pas bien, mais en fait, pour faire simple, qui ressemble un peu à ce qu'ont fait déjà les Chinois autour de la Lune. Donc il y aura un satellite d'observation, un atterrisseur, un système qui va se poser à la surface et puis un rover, il va se promener et faire une enquête. C'est quand même un beau rover, 250 kg , un engin assez spectaculaire. Pas très connu. Les Chinois sont un peu secrets bien sûr. La troisième mission, c'est une mission des Emirats arabes unis, qui ont une volonté de faire vraiment de la science et qui ont une mission assez astucieuse. C'est un satellite d'observation de l'atmosphère, vraiment un satellite météo, qui va avoir une orbite très particulière autour de l'équateur, loin de Mars, de manière à pouvoir surveiller un endroit donné pour voir comment se développent les tempêtes de poussière, des choses comme ça... Et puis enfin, on avait prévu une mission européenne, que l'on fait avec les Russes, qui a pour but de poser un engin à roulettes, un rover, et avec beaucoup d'instruments français et avec une capacité très particulière qui est de forer dans le sous-sol pour ramasser des d'échantillons qui auraient été protégés au cours de l'histoire pour essayer de voir si on peut trouver des traces de vie ou d'une activité passée, et donc ça va être une mission passionnante." Une mission passionnante, certes, mais qui a finalement été repoussée à 2022 et ce, après les deux échecs européens en matière d'atterrisseur en 2003 déjà, puis à nouveau en 2016. "Et le grand défi pour nous, après deux échecs, il faut l'avouer, c'est de réussir enfin à se poser sur Mars. Alors, c'est extrêmement ambitieux, parce que l'on veut poser plusieurs tonnes sur Mars, c'est bien plus que ce qu'on a essayé avant. un parachute gigantesque de 35 m de diamètre, en face il y a même deux parachutes. Il faut descendre dans l'atmosphère, déployer le parachute, allumer les rétrofusées, se poser. Voilà le défi suivant. Alors l'Europe à d'autres projets sur Mars. Par exemple, le grand Graal de beaucoup de scientifiques, c'est de, non seulement aller explorer Mars sur place, mais de ramasser des échantillons et de les ramener sur Terre. Alors les Américains préparent cela avec la mission de 2020, mais pour l'étape suivante, qui consistera à aller récupérer ces échantillons et les ramener sur Terre, et bien l'Europe va participer. On s'engage à faire ce qu'on appelle le fetch rover. Fetch rover, en anglais, ça veut dire le petit rover qui va aller ramasser les échantillons, les préparer, les ramener à une fusée que l'on va installer là, qui va se relancer pour aller en orbite autour de Mars, et là, être récupérée par un orbiteur, un vaisseau spatial, et qui va retourner ensuite sur Terre." Une vingtaine de missions a déjà permis de mieux connaître la planète rouge. Alors pourquoi continuer à l' explorer ? "Et bien, c'est qu'en fait, on est loin de tout comprendre, et l'une des raisons à cela, c'est que, lorsqu'on explore la planète Mars, on explore en fait plusieurs planètes en même temps. Alors, on explore la planète actuelle, qui est une planète très active : il y a des tempêtes de poussière, des nuages, des chutes de neige, etc. Mais on explore en même temps des surfaces qui ont été façonnées par des événements dans le passé, comme par exemple, des glaciations. Il y a quelques millions d'années, Mars était une planète totalement différente couverte de glace, avec des grands glaciers partout. Et puis on sait aussi que, dans un lointain passé, cette fois-ci dans la genèse de la planète il y a plusieurs milliards d'années, il y avait des lacs des rivières. On le voit actuellement à la surface. La moitié de la surface de Mars remonte à cette époque-là, et on voit partout des deltas, des canyons qui ont été creusés par des rivières, et cette planète-là est tellement différente qu'on veut l'explorer Mais on la comprend mal. Et on n'a qu'une seule surface pour explorer tout ça, c'est vraiment très compliqué." Le Laboratoire de Météorologie Dynamique développe justement le projet Mars Through time, qui vise à mieux comprendre les archives géologiques martienne. De quelle manière ? "Un petit peu comme on simule le climat ou la météorologie sur Terre, pour prévoir le climat et prévoir aussi, par exemple pour mieux comprendre le changement climatique. Et bien on peut appliquer ce genre de modèles numériques à la planète Mars, voir ce qui se passe, et comparer avec les observations et donc interpréter ces observations de géologie. Pourquoi il y a des glaciers à tel endroit, pourquoi les rivières sont là, et pour moi, le seul moyen de comprendre ça, ce sera de simuler dans un ordinateur une planète qui ressemblera à Mars. Ça paraît très simple, mais personne ne l'a encore fait, et donc c'est notre objectif.