Peut-on compenser l’absence d’une bonne nuit de sommeil par la multiplication de micro-siestes ? Eh bien, une espèce au moins semble capable de le faire : le manchot à jugulaire. Un maître incontesté des micro-siestes, puisqu’il en cumule jusqu’à 600 par heure, soit plus de 10 000 par jour. Et qu’il parvient ainsi à dormir 12 heures quotidiennement.   

C’est la première fois qu’une telle aptitude est observée. Elle présente un avantage certain pour la préservation de l’espèce. En effet, c’est durant la période d’incubation que les manchots recourent à ce sommeil ultra-fragmenté, alors que rôdent autour d’eux des labbes antarctiques prédateurs d’œufs et que la colonie s’agite bruyamment. Les manchots ne dorment alors pas plus de 4 secondes consécutives !  

Pour parvenir à ces résultats inédits, une équipe de chercheurs de France, d’Allemagne et de Corée du Sud a enregistré durant 11 jours le comportement et l’activité cérébrale de manchots à jugulaire sur l’île King George, en Antarctique, avec des enregistreurs conçus sur mesure.

Se produisant dans les deux hémisphères cérébraux simultanément ou dans un seul hémisphère du cerveau, le sommeil se manifeste par la fermeture et l’ouverture fréquentes d’un œil ou des deux yeux. Sur l’électroencéphalogramme, les phases de micro-sommeil – la mise en pause de l’activité cérébrale – apparaissent en rouge et en vert, selon l’hémisphère concerné.  

Curieusement, les oiseaux situés en bordure de la colonie, davantage exposés aux attaques des labbes antarctiques, dorment 10 % de plus que ceux situés au centre du groupe. Cela suggère que la présence des congénères perturbe davantage le sommeil que l’exposition aux prédateurs. En outre, les manchots dorment aussi en mer, mais moins qu’à terre.  

Même s’ils sont très courts, ces milliers d’assoupissements n’empêchent pas les manchots d’élever leurs petits. Cela suggère que les fonctions réparatrices du sommeil sont ainsi correctement assurées. Bref, la prochaine fois qu’on vous reprochera de piquer du nez devant votre écran, invoquez l’exemple du manchot !