J'ai regardé en Israël, j'ai rencontré le président de l'Institut Weizmann qui m'a fait une proposition intéressante avec des moyens que je n'aurais pas pu avoir en France. Ils me permettent de faire un "business plan", un travail de recherche de façon sereine jusqu'à la fin de ma carrière. En mai 2019, Victor Malka quittera son Laboratoire d'optique appliquée de Palaiseau pour ouvrir un nouveau laboratoire à l'Institut Weizmann. Pourquoi ce spécialiste de la physique des plasmas, mondialement reconnu, a-t-il choisi de quitter le CNRS pour s'installer en Israël ? Rencontre avec l'intéressé sur les lieux de son futur laboratoire. Nous allons faire un nouveau type d'accélérateur. Pour rentrer dans le jeu, il faut cinq millions d'euros. C'est le minimum. Ensuite, il faut 300 000 euros par année pour alimenter cette activité de recherche Ce n'est pas de la "big science", ce n'est pas de la "petite science", c'est à l'interface entre les deux. Il s'agit d'un régime pour lequel les méthodes de financement ne sont pas très adaptées. Pourquoi l'Institut Weizmann ? D'abord, c'est un laboratoire d'excellence reconnu dans le monde tel que le CNRS ou l'École polytechnique dont le Laboratoire d'optique appliquée d'où je viens. Une des raisons est que j'avais besoin de sérénité. Mes dix dernières années de recherche ont été financées grâce à des bourses européennes. J'ai pu en avoir deux et ne suis pas sûr d'en décrocher une troisième. L'essentiel est que je puisse, au cours des 15 prochaines années, continuer à travailler de façon sereine sur cette activité dans laquelle il y a beaucoup de compétition au niveau international. Deuxième raison, l'Institut Weizmann est à proximité des groupes de biologie, de biochimie et de chimie avec lesquels nous interagissons de manière efficace. Nous l'avions déjà expérimenté à l'École polytechnique en travaillant avec des groupes de l'IGR, Institut Gustave Roussy, ou de l'Institut Curie. Néanmoins, ces institutions diffèrent, donc la problématique de recherche de financement, la lenteur administrative, et le fait que les groupes ne soient pas à proximité rendent le processus moins efficace. J'espère que nous le serons davantage ici. Le système du Weizmann est unique car tout est fait pour faciliter la vie des chercheurs. J'ai un budget important, j'ai carte blanche sur mes activités de recherche. J'ai aussi la possibilité de répondre à des appels à projets pour avoir des financements complémentaires. Cependant, j'ai un budget pour continuer mon activité de recherche. J'estime qu'à un certain âge, à un certain niveau, il est important de pouvoir continuer à imaginer, à faire de la recherche à moyen et long terme sans avoir cette épée de Damoclès qu'est la fin d'un contrat. Aujourd'hui, en France, j'ai dû gérer une dizaine de contrats en parallèle pour pouvoir financer à hauteur de 300 000 euros par an les recherches que je menais. J'avais l'impression d'être un chef d'entreprise autant qu'un chercheur avec des problèmes de gestion administrative. Il y a beaucoup de contrats et donc de rapports. Et j'avais surtout peur de la fin des contrats, donc de la fin du financement, ce qui est pénible, particulièrement à mon âge. Je fais de la recherche fondamentale avec des applications et il n'y a pas de problème à poursuivre dans cette direction. J'ai carte blanche. Si j'ai envie de ne pas faire d'application, je n'en fais pas. Si demain je veux me concentrer sur quelque chose et ne faire que cela, c'est ma responsabilité. Le chercheur est la partie la plus importante de l'Institut. C'est lui qui sera budgété. Comme il a la liberté de travailler avec qui il veut, dans l'Institut et à l'extérieur, il n'a aucune limite. Par curiosité et par passion, ces gens-là vont bouger, ils vont travailler avec qui ils veulent sans demander la permission. Il n'y a pas besoin de remplir le moindre formulaire ou document pour travailler avec qui que ce soit ni à l'Institut ni dans le reste du monde. Recruter les chercheurs est la priorité de l'Institut. C'est un travail difficile, d'abord à cause de la compétition car il y a d'autres bonnes institutions de recherche, donc nous sommes en compétition permanente. Il y a aussi le fait de vivre en Israël. L'Institut est en Israël et non à Paris, New York ou Boston. C'est un fait qui est à notre désavantage. Je suis toujours avec le CNRS, j'ai fait ma demande de détachement pour le mois de mai 2019. L'idée est, d'ici une à deux années, de pouvoir faire le lien entre la France, l'Allemagne et Israël de façon à créer un triangle "hyper-compétitif" à l'international.