Image légendée
Un gymnase occupé par des migrants, le 28 mars 2019 à Saint-Herblain, près de Nantes © AFP/Archives Loïc Venance

Troubles mentaux et pathologies « comparables » à ceux des sans-abri : la santé des migrants, « préoccupante », se dégrade au fil des « obstacles » dressés par les pouvoirs publics, a alerté mercredi l’Académie nationale de médecine, qui appelle à faire « le pari de l’accueil ». 

Dans un rapport à paraître prochainement et présenté à la presse mercredi, l’Académie réclame notamment que tout exilé, qu’il soit ou non en situation régulière, puisse bénéficier « dès son arrivée » d’un examen médical et d’un accès aux soins. « La situation des étrangers arrivant en France est préoccupante (...) compte tenu de la précarité des conditions de vie et d’hébergement, du manque cruel d’hygiène et d’un retard à l’accès aux droits », a souligné l’instance, en dévoilant son rapport L’immigration en France : situation sanitaire et sociale. Elle a également dénoncé « tous les obstacles qui provoquent, involontairement ou non, le retard à l’accès ou même l’absence de soins ».

L’institution a en particulier ciblé le délai de carence de trois mois récemment imposé aux demandeurs d’asile avant qu’ils ne puissent accéder à la PUMa (Protection universelle maladie, ex-CMU), alignant désormais leur accès aux soins à la carence de trois mois pour l’AME (Aide médicale d’État) réservée aux personnes en situation irrégulière. L’Académie recommande ainsi de « créer une Protection Maladie réellement universelle rassemblant AME et CMU ». 

« La santé de tous les migrants est fragilisée par les traumatismes » du parcours migratoire, relève le rapport. Une situation aggravée par leur précarité en France, « entraînant des troubles organiques mais surtout mentaux, six fois plus fréquents que dans la population générale ». Infections aiguës, hépatites virales... Chez les mineurs, les pathologies sont même « comparables à celles observées chez les sans-domicile », alertent les auteurs.

« Faire le pari de l’accueil »

« Il faut qu’on fasse le pari de l’accueil. C’est plus efficace, beaucoup moins onéreux et plus digne », résume pour l’AFP le Pr Marc Gentilini, coauteur du rapport. Le texte, explique-t-il, a surtout pour objectif de « trouver des formules qui permettent aux pouvoirs publics et aux ONG de s’allier et non de s’opposer », car « la France est certainement l’un des pays, en terme de couverture médicale, qui propose les formules les plus larges ». Il s’agit donc d’une volonté politique, soulignent les auteurs, qui rappellent que la suspicion de fraude est devenue « un sujet dominant, alors qu’elle ne représente que 1 % des demandes de titres de séjour pour soins ».

L’Académie recommande d’ailleurs de réaffecter au ministère de la Santé plusieurs prérogatives concernant les migrants désormais dévolues au ministère de l’Intérieur, en particulier l’évaluation des critères médicaux en vue de l’obtention d’un titre de séjour pour soins. Elle relève en particulier les interrogations sur « l’indépendance des médecins exerçant sous la tutelle » de l’Intérieur, en soulignant la réduction d’avis favorables à l’attribution d’un titre de séjour pour maladie, passés de « 75 % à 50 % depuis ce transfert des attributions ».