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Un couple de moustiques tigre (Aedes aegypti) vus au microscope, dans un laboratoire de la fondation Oswaldo Cruz © AFP Mauro Pimentel

Un laboratoire de Rio de Janeiro mise sur une bactérie introduite chez des moustiques pour tenter d’endiguer l’expansion du virus de la dengue en cours au Brésil. Les chercheurs de l’institut Fiocruz ont mis en place un élevage de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia, qui les rend plus résistants au virus. Ce sont des moustiques Aedes aegypti, vecteurs de la dengue, mais aussi du zika et du chikungunya.

Une fois arrivés à l’âge adulte, ils sont lâchés dans la nature dans l’espoir qu’ils se reproduisent avec d’autres moustiques et leur transmettent cette bactérie, qui sera transmise aux générations futures. Les progénitures n’ont ainsi qu’une infime chance de transmettre le virus.

Ces lâchers de moustiques ont lieu régulièrement depuis 2015 à Niteroi, ville densément peuplée et voisine de Rio. Les résultats sont prometteurs, montrant une « réduction significative » des cas de dengue et de chikungunya dans les quartiers ciblés. En outre, des tests on montré que plus de 90 % des moustiques des zones où ont lieu ces lâchers sont porteurs de la bactérie.

Mais pour Luciano Moreira, qui coordonne le projet de la Fiocruz, la Wolbachia n’est pas la réponse à tous les problèmes : il faut avant tout réduire la présence d’eau stagnante, terrain de prédilection pour la reproduction des moustiques, comme les seaux d’eau, pots de plantes ou pneus usagés humides. « Nous ne sommes pas la solution, mais juste une partie d’un plan d’action qui doit être bien coordonné », explique-t-il à l’AFP dans son laboratoire rempli de centaines de tubes contenant des milliers de moustiques.

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Des chercheurs chassent des moustiques génétiquement modifiés dans un laboratoire de la fondation Oswaldo Cruz, à Rio de Janeiro, le 14 août 2019 © AFP Mauro PImentel

À l’image du Brésil, d’autres pays comme le Vietnam ont testé la « méthode Wolbachia », qui a été conçue en Australie en 2011, et qui, contrairement à d’autres, n’implique aucune modification génétique. L’introduction de moustiques transgéniques au nord-est du Brésil de 2013 à 2015 avait permis dans un premier temps de réduire considérablement le nombre d’insectes, mais leur population est repartie à la hausse par la suite.

Les premières larves de moustiques élevées par Fiocruz à Rio ont été importées d’Australie, où la bactérie Wolbachia leur a été inoculée. Conservés dans des boîtes en plastique au sein d’une salle à température et humidité contrôlées, les insectes peuvent passer jusqu’à cent jours au laboratoire. Leur mission : copuler le plus possible. Après l’accouplement, les femelles se nourrissent de sang humain fourni par des donneurs et déposent ensuite leurs larves à la surface de l’eau, dans des récipients en plastique prévus à cet effet. 

Les larves, elles aussi porteuses de la bactérie, sont ensuite transférées dans de grands tubes : en deux semaines, elles atteignent l’âge adulte et peuvent être lâchées dans la nature. Seules les femelles consomment du sang, dont elles ont besoin pour produire leurs larves. 

Le ministère de la Santé du Brésil a l’intention de tester ce programme dans d’autres localités pour évaluer si des résultats similaires peuvent être observés dans différents environnements, mais Luciano Moreira s’alarme : aucun lâcher ne pourra avoir lieu à Niteroi après décembre en raison de coupes budgétaires.  

Ces coupes arrivent au pire moment : plus de 1,4 million de cas de dengue ont été recensés lors des premiers mois de l’année, une hausse de 600 % par rapport à la même période de 2018. Cette recrudescence est attribuée par les autorités à de fortes chaleurs et un niveau de précipitation inhabituel en dehors de la saison des pluies.

La dengue se traduit par de fortes fièvres, des douleurs articulaires et de la fatigue. Dans un faible pourcentage de cas, elle peut être mortelle si elle prend une forme hémorragique ou se porte sur des organes vitaux. Près de 600 personnes en sont mortes au Brésil cette année. 

Luciano Moreira s’inquiète aussi du retour de cas de dengue de type 2, qui avait disparu du pays depuis des années.